Mme Évelyne Yonnet. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail et porte sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Madame la ministre, nous étions prévenus de la volonté du Gouvernement d'agir rapidement en recourant aux ordonnances. Je souligne cependant qu'une procédure accélérée aurait permis de tenir un calendrier législatif à peine plus long que le vôtre sans recours aux ordonnances.
Nous aurions pu nous retrouver, avec pragmatisme, sur certains objectifs, tels que l'ouverture des droits à l'assurance chômage pour les salariés démissionnaires ou les indépendants, ou encore, par principe, l'instauration du chèque syndical.
Ce constat étant posé, le groupe socialiste et républicain, qui se montrera particulièrement attentif, souhaite vous interroger sur les points suivants.
À quels domaines le périmètre d'intervention des accords d'entreprise sera-t-il élargi ? Quid des heures supplémentaires ? Quid des conditions et de la durée du travail ? Est-il envisagé aujourd'hui d'étendre ou de généraliser le contrat de projet à toutes les branches ? Si les instances représentatives du personnel, qui sont pourtant des lieux de dialogue social entre les représentants des salariés et les dirigeants, sont fusionnées, quel sera demain le rôle des représentants du personnel et des délégués du personnel ? Quid des CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ?
Soyez assurée que nous serons également très vigilants sur la question des barèmes de calcul des indemnités prud'homales pour les licenciements abusifs, ainsi que sur celles du référendum d'entreprise d'initiative patronale et du champ d'application des licenciements économiques. Nous sommes et nous resterons très fermes sur le sujet des contreparties. Que vont devenir le compte personnel d'activité et le compte personnel de prévention de la pénibilité ?
Madame la ministre, présenterez-vous le contenu des négociations et des futures réformes lors de l'examen du projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnances ?
À l'occasion de cette question d'actualité, nous vous demandons de faire un point d'étape sur vos échanges avec les représentants syndicaux.
(Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui anticipe de quelques jours la présentation du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Une concertation très intense avec les organisations patronales et syndicales est en cours. Nous avons choisi une méthode combinant démocratie politique et démocratie sociale. Lorsque je présenterai le texte au Sénat, je serai en mesure de vous livrer l'entièreté des conclusions de cette concertation bilatérale, puisqu'elle sera achevée à cette date.
Cette question me donne l'occasion de vous indiquer selon quelle approche nous abordons ce sujet.
La rénovation du modèle social français nous paraît tout à fait nécessaire. Nos concitoyens l'ont signifié avec force au travers des récentes consultations électorales. Le code du travail n'est pas seul concerné : la rénovation doit porter aussi sur la formation professionnelle et l'apprentissage, que nous nous attacherons, avec le Parlement et les régions, à dynamiser, sur l'assurance chômage, pour en faire un filet de sécurité plus universel, profitant aux individus quel que soit leur statut. Le pouvoir d'achat et le système de retraites sont également concernés. Ma collègue la ministre des solidarités et de la santé présentera les mesures intéressant ce dernier.
Dans ce cadre d'ensemble, la réforme du code du travail a pour finalité à la fois de libérer et de protéger. Contrairement à certaines idées préconçues, il s'agit non pas seulement de libérer les initiatives des entreprises et de protéger les salariés, mais aussi de libérer les initiatives des salariés et de protéger les entreprises. En effet, l'insécurité juridique mine les capacités d'initiative de nos TPE-PME. Je rappelle que les entreprises de moins de cinquante salariés représentent 55 % des emplois du secteur privé en France. Les entreprises ont elles aussi besoin de sécurité, ainsi que de liberté.
De même, dans un monde qui évolue très vite du fait de la mondialisation et de la transformation numérique, les salariés, en particulier ceux des jeunes générations, ont aujourd'hui de nouvelles aspirations, de nouvelles attentes. Ils souhaitent bénéficier de davantage de liberté pour choisir leur formation, leur avenir.
Nous entendons élaborer une loi de décentralisation de la démocratie sociale au plus près du terrain, dans les branches et les entreprises. C'est ainsi que nous aiderons les entreprises et les salariés à avoir confiance en l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
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