M. Philippe Esnol. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte également sur les exonérations de taxe d'habitation, preuve s'il en est que la question est d'actualité et, surtout, que nous sommes nombreux à être interpellés par des élus inquiets.
Monsieur le Premier ministre, votre déclaration de politique générale, mardi dernier, a, je le sais, réjoui un certain nombre d'entre nous, et plus encore les élus locaux, en ce qu'elle laissait penser, à propos de la réforme de la taxe d'habitation, que votre intention était de prendre le temps nécessaire pour mener à bien une véritable concertation.
Une telle concertation est en effet attendue par les élus, attachés à la libre administration des collectivités territoriales et à son corollaire, leur autonomie financière. Elle se révèle par ailleurs indispensable pour trouver, à terme, des recettes pérennes pour les collectivités, plus que des compensations qui – les expériences passées l'ont prouvé malheureusement – n'ont jamais vocation à durer.
M. le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a même eu l'occasion, dans la foulée, de préciser en réponse à une question de notre collègue Bernard Delcros que les maires pouvaient être rassurés dans la mesure où vous saviez tous deux, par expérience, que la taxe d'habitation constituait une recette majeure des collectivités territoriales.
Je me permets d'approuver ces propos. Dans le département des Yvelines, la taxe d'habitation représente effectivement, pour au moins une vingtaine de communes, dont Conflans-Sainte-Honorine, que je connais bien pour en avoir été maire pendant près de quinze ans, entre 30 % et 50 % du budget.
Ainsi, même si cet impôt est injuste pour les contribuables comme pour les territoires, en raison de valeurs locatives cadastrales obsolètes et des inégalités de richesses entre communes, et s'il est, en conséquence, souhaitable de le réformer, notre devoir est de veiller à ce que cela ne soit pas mené au détriment des collectivités. Je rappelle que ces dernières ont, en outre, déjà largement pris leur part au redressement des comptes publics ces dernières années.
C'est pourquoi, alors qu'a été réaffirmée hier la mise en œuvre dès 2018 de votre engagement d'exonérer 80 % des ménages de la taxe d'habitation, je souhaiterais vous poser deux questions.
D'une part, quelles sont les mesures de compensation envisagées permettant de tenir votre engagement de « prévisibilité » et de donner aux communes des garanties de l'État à long terme ?
D'autre part, comment comptez-vous associer les premiers concernés, à savoir les élus locaux, qui s'interrogent, en pareilles conditions, quant à leur capacité à financer nos services publics de proximité, essentiels et plébiscités par les Français, tout en maintenant l'équilibre de leur budget ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Esnol. Il était prévu d'ouvrir ce qui n'était hier encore qu'un chantier lors de la conférence des territoires programmée lundi. Pouvez-vous aujourd'hui nous en préciser les modalités ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que cette fiscalité locale, et particulièrement la taxe d'habitation, est injuste : vous l'avez souligné, les communes ne sont pas toutes soumises aux mêmes règles.
L'Association des maires de France, l'AMF, précise que la taxe d'habitation représente en moyenne 35 % des recettes communales. Mais, dans certaines communes, cette part se situe entre 10 % et 15 %. Dans celle dont j'ai eu l'honneur d'être le maire, elle s'établit à 16 %. Dans d'autres communes, elle peut atteindre 45 % ou 50 % des recettes.
Il y a donc une injustice entre les communes rurales ou les communes dites plus pauvres et les communes urbaines ou les communes plus riches.
De plus, la taxe d'habitation est injuste pour les citoyens. Un représentant des professions libérales, par exemple un avocat, qui gagne très correctement sa vie, peut parfois payer moins cher au titre de cet impôt qu'un salarié occupant un logement social. Pour garantir une meilleure justice, il faut sans doute recalculer le montant de la taxe d'habitation en tenant compte du pouvoir d'achat.
Enfin, je le répète, les valeurs locatives n'ont pas été révisées depuis 1970. Elles sont devenues désuètes et créent désormais des inégalités extrêmement fortes.
En définitive, tout en concédant l'inéquité engendrée par cet impôt, vous posez les questions suivantes : les communes conserveront-elles leur autonomie fiscale ? Garderont-elles les moyens d'assurer les services publics demandés par nos concitoyens ? La réponse est « oui », et doublement « oui ».
Le 17 juillet prochain, M. le Premier ministre va lancer la Conférence nationale des territoires. Il a bien voulu me confier le soin de gérer ce pacte financier, en lien avec M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.
(Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Notre but est de trouver, ensemble, les moyens de mettre un terme à cette injustice que subissent les citoyens comme les communes et, dans le même temps, de garantir à la fois les ressources et l'autonomie fiscale des collectivités. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE. – Mme Anne Émery-Dumas applaudit également.)
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