Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, nous avons été alertés il y a quelques jours par des associations de victimes de l'amiante sur le fait qu'une vingtaine de procédures pénales emblématiques du scandale de l'amiante s'orientaient vers un non-lieu à la demande du parquet.
La difficulté de déterminer la date exacte à laquelle les salariés ont été contaminés et intoxiqués et par conséquent la difficulté de savoir qui, dans les entreprises, était aux responsabilités à ce moment-là, justifieraient ces non-lieux. Il n'y aurait donc aucun responsable de la mort de milliers de personnes, aucun responsable de la maladie de milliers d'autres.
L'amiante est un matériau que l'on sait cancérigène certain depuis 1977, mais qui n'a été interdit en France qu'en 1997, vingt ans après. Des dizaines de milliers de salariés, artisans, sous-traitants ont été en contact avec les fibres au cours de leur vie professionnelle. Et ils sont des milliers à avoir développé des cancers particulièrement agressifs, qui ont des caractéristiques bien spécifiques, et dont on peut donc dire avec certitude qu'ils sont liés à l'amiante.
Ce matériau est extrêmement dangereux, car, contrairement à d'autres substances cancérigènes pour lesquelles la dose fait le poison, une seule fibre d'amiante inhalée peut provoquer un cancer. Les experts le disent, l'intoxication peut par conséquent commencer dès la première exposition. Et l'on connaît les dates de ces premières expositions pour tous les malades.
Madame la ministre, ce revirement de situation épouvantable met en avant un véritable problème, celui de la sécurité au travail et de la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs salariés et de leurs anciens salariés.
Nous, les écologistes, nous nous interrogeons : que faire lorsque des gens sont malades par milliers du fait de leur exposition sur leur lieu de travail, quand on connaît les causes de leurs maladies, l'enchaînement des causes qui ont conduit à ces maladies et quand, pourtant, il n'y a pas de responsable ?
Sur un plan simplement moral, éthique, sans s'immiscer aucunement dans la procédure judiciaire, les pouvoirs publics ne peuvent-ils pas prendre une initiative pour donner un signal positif aux victimes et à leurs soutiens qui sont accablés par cette non-réponse ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de ma collègue Agnès Buzyn, qui est en déplacement aujourd'hui. Nous suivons ce dossier ensemble, puisqu'il concerne à la fois la santé et le travail.
Madame Archimbaud, vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un sujet majeur. L'année dernière, en 2016, 20 000 demandes d'indemnisation ont été déposées. Ce chiffre équivaut à peu près au flux enregistré ces dernières années ; il est en très légère baisse après des années de hausse. Ce sont donc des dizaines de milliers de personnes au total qui sont touchées.
Il s'agit également d'un sujet majeur sur le plan financier pour la sécurité sociale, puisque les 2 milliards d'euros de dépenses qui sont consacrés chaque année à l'amiante représentent plus de 17 % des dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale. Autant dire que ce sujet nous concerne tous, sur le plan tant humain que financier.
Évidemment, nous ne pouvons pas commenter une décision de justice, vous le comprenez. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas agir. Les mesures à prendre sont du ressort des entreprises comme de l'État.
En ce qui concerne les entreprises, nous avons prévu de renforcer le rôle des branches dans différents domaines dans le cadre du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, que j'aurai l'honneur de vous présenter lundi prochain en séance. La prévention de la pénibilité et des maladies professionnelles fera partie des compétences que la future loi autorisera à négocier au niveau des branches.
S'agissant de l'État, un plan interministériel d'action visant l'amiante a été lancé le 1er janvier 2016 pour une durée de trois ans. Bien entendu, il sera poursuivi.
D'ores et déjà, les services du ministère, en particulier la direction générale du Trésor, sont pleinement mobilisés sur le sujet, et plus singulièrement sur cinq points : l'amélioration de la connaissance scientifique et technique – depuis son interdiction, plus de 3 700 maladies professionnelles liées à l'amiante ont été répertoriées –, la facilitation du repérage de l'amiante, car il y a encore de l'amiante, la protection des travailleurs et de l'environnement, la qualification et la formation et, enfin, le contrôle, l'accompagnement et l'appropriation de la réglementation, pour que tous, salariés et employeurs, la connaissent.
Vous pouvez compter sur l'engagement de mes services et sur mon engagement total sur ce dossier très important.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du RDSE. – M. Yves Daudigny applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse précise et concrète. J'espère que l'engagement que vous prenez sera suivi d'effet.
Depuis 2005, le Sénat mène des travaux sur la question. Aujourd'hui, la situation est tellement dramatique que nous espérons vraiment que des décisions concrètes seront enfin prises ! (Mmes Esther Benbassa et Corinne Bouchoux applaudissent.)
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