M. Yves Pozzo di Borgo. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des affaires européennes et concerne l'impact des sanctions américaines contre la Russie, en particulier en matière commerciale, pour la France et pour l'Union européenne.
La semaine dernière, la Chambre des représentants américaine a adopté de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie. Ainsi, le président Trump a la possibilité de sanctionner les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie, en limitant leur accès aux banques américaines et en les excluant des marchés publics américains.
Cela touche les entreprises Engie – française –, Uniper, Wintershall – allemandes – et Shell – anglo-néerlandaise –, qui travaillent sur le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne via la Baltique.
Les conduits de nos habitations sont pleins de gaz arrivant de Russie par tuyau et de gaz de schiste arrivant des États-Unis par bateau. Notre première réaction devrait être de cesser d'acheter ce gaz de schiste américain. La compétition est internationale, et les États-Unis sont aujourd'hui largement excédentaires dans leur balance commerciale en matière de gaz.
Le sujet est cependant plus vaste et cette décision américaine pose deux problèmes.
Le premier problème est diplomatique. Les décisions de sanctions contre la Russie ont toujours été prises en concertation entre les États-Unis et l'Union européenne. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Le second est économique et commercial. Il est clair que l'impact de ces mesures sur les entreprises européennes du secteur énergétique, et en particulier gazier, sera négatif. La guerre commerciale fait rage dans ce domaine.
Cette situation pose le problème de la portée extraterritoriale des règles américaines, qui coûtent près de 20 milliards de dollars de pénalités aux entreprises européennes, selon le rapport de Pierre Lellouche et de Karine Berger sur ce sujet.
Notre propre commission des affaires européennes, au Sénat,…
M. le président. Je vous demande de conclure.
M. Yves Pozzo di Borgo. Déjà ?…
(Sourires.)
Madame la ministre, comment allez-vous accompagner la sainte et juste colère de M. Juncker, lequel, furieux de cette situation, réunit demain les commissaires européens ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Yves Pozzo di Borgo, comme vous l'avez indiqué, le président Trump s'apprête à promulguer le projet de loi adopté largement par le Congrès américain portant de nouvelles sanctions contre la Russie, l'Iran et la Corée du Nord.
Le recours à des sanctions est un outil de politique étrangère auquel nous ne sommes pas hostiles. Le Conseil de sécurité des Nations unies y a recours, l'Union européenne également. En règle générale, nous examinons les régimes de sanctions en concertation avec nos partenaires, en particulier au sein du G7.
Vous soulignez très justement le caractère spécifique du projet de loi en question, singulièrement sa dimension extraterritoriale. Il rend possible de sanctionner des individus et des entreprises non américaines, notamment européennes, en fonction de leurs activités sans lien avec les États-Unis.
Vous avez justement mentionné le rapport de l'Assemblée nationale, préparé par M. Lellouche et Mme Berger. Je pourrais ajouter le rapport de M. Philippe Bonnecarrère, remis au nom de la Haute Assemblée. Dans les deux cas, les auteurs soulignent les difficultés posées par les sanctions extraterritoriales et ouvrent des pistes.
Nous avons publiquement indiqué le caractère illicite, au regard du droit international, de ces sanctions extraterritoriales.
Nous nous concertons d'abord avec l'administration américaine. Pour marquer notre préoccupation, Jean-Yves le Drian a ainsi effectué une démarche auprès de Rex Tillerson. Ce dernier a indiqué qu'il allait se concerter avec les alliés des États-Unis sur ce régime de sanctions.
Plus largement, nous nous concertons avec nos partenaires de l'Union européenne. Nous disposons d'outils : des mesures commerciales, des démarches diplomatiques, sans oublier le règlement de 1996, adopté à la suite de la législation Helms-Burton,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … lequel permet de prendre des mesures de protection en matière de sanctions.
Nous sommes donc mobilisés et nous soutenons les déclarations et la volonté d'action du président Juncker.
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