M. Xavier Iacovelli. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation des réfugiés en Libye est d'une extrême gravité. Nous avions été choqués par les images de ce petit garçon, Aylan, retrouvé sans vie, face contre terre, sur une plage turque. Nous voilà à nouveau confrontés à l'inadmissible : les enquêteurs de l'ONU et plusieurs médias ont mis en lumière des cas d'esclavage en Libye.
Concrètement, il s'agit d'hommes, de femmes, d'enfants qui sont vendus aux enchères comme du bétail sur les marchés libyens. Ne faisons pas semblant de le découvrir, nous le savions tous. Depuis des années, les ONG nous alertent ; leurs derniers rapports de 2016 faisaient état de 45 millions de femmes, d'hommes et d'enfants asservis ; 45 millions, chers collègues ! C'est l'équivalent de la population espagnole !
Voilà bientôt cent soixante-dix ans, la France abolissait l'esclavage. Voilà seize ans, sur ces travées, nous adoptions la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité. Pourtant, ces camps, financés par l'Europe, se développent désormais, avec notre aval, dans des conditions qui constituent un véritable scandale humanitaire. Familles séparées, viols, torture, surpopulation, conditions sanitaires déplorables, tel est le quotidien de ces réfugiés, et, lorsqu'ils parviennent à échapper à ces camps, ils se noient dans la Méditerranée.
L'objectif de l'Union européenne, en finançant ces camps à hauteur de 400 millions d'euros, sans droit de regard sur les conditions humaines, était d'éviter à tout prix l'arrivée des réfugiés sur notre continent. Résultat : ces camps sont devenus des viviers pour les marchands d'êtres humains, troisième trafic le plus lucratif au monde après la drogue et les armes – ce sont d'ailleurs les mêmes personnes qui organisent les trois…
Le temps de l'indignation doit maintenant laisser la place au temps de l'action. C'est pourquoi la France, pays des droits de l'homme, doit porter un message fort, qui fera honneur aux valeurs qui nous unissent.
Monsieur le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères a indiqué que la France avait demandé une réunion expresse du Conseil de sécurité de l'ONU. Un sommet réunissant l'Union européenne et l'Afrique aura également lieu dans cinq jours à Abidjan. Pouvez-vous, dès lors, nous préciser quelle sera la position de la France visant à mettre fin à ce marchandage de vies humaines ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous avez raison, ce que nous avons vu, les images diffusées montrant la traite d'êtres humains en Libye, est inadmissible. Vous avez raison, il s'agit d'un crime contre l'humanité ; d'ailleurs, le Président de la République a qualifié cette pratique comme telle.
Vous avez aussi raison de rappeler que, hier, Jean-Yves Le Drian a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. La France, terre de droits de l'homme, prend ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité, pour porter ce drame humain au plus haut niveau.
En revanche, je ne vous rejoins pas lorsque vous parlez de camps financés par l'Union européenne, car ce n'est pas le cas. L'Union européenne vient en aide au HCR et à l'Organisation internationale pour les migrations, pour faire en sorte d'améliorer la vie et le traitement des migrants dans ce pays, la Libye, qui ne connaît pas d'État stable et encore moins de respect des droits de l'homme.
Ce que nous faisons en outre, à titre bilatéral, est que nous nous rendons au Niger et au Tchad pour examiner, sur le continent africain lui-même, la situation de ceux qui ont un besoin évident de protection, afin que ceux qui bénéficieraient manifestement du droit d'asile puissent rejoindre directement l'Europe.
Ce que nous faisons également est que nous multiplions les efforts pour que la situation en Libye se stabilise. Nous ne pourrons traiter un problème de cette ampleur – l'Organisation internationale pour les migrations a parlé de 300 000 migrants en Libye et certaines estimations vont jusqu'à 700 000 personnes – que le jour où la Libye aura retrouvé un État stable et mis fin à la situation de conflit et de chaos qu'elle connaît et qu'elle traverse. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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