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Jean-Marie Bockel
Question orale N° 109 au Secrétariat d'État


Reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en France

Question soumise le 9 novembre 2017

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la situation administrative des réfugiés irakiens en France au regard de la reconnaissance de leurs titres et diplômes universitaires.

En effet, le drame vécu par les réfugiés, quelle que soit leur origine, ne peut nous laisser indifférents. Il nous appartient ainsi de nous mobiliser et de rechercher les meilleures conditions d'accueil dans nos villes.

Aussi, parmi les réfugiés, existe-t-il des talents qui ne demandent qu'à se mettre au service de notre communauté. Cela est le cas dans le domaine de la santé publique où nombreux sont les réfugiés qui exercent des professions comme chirurgien, médecin ou biologiste.

Malheureusement, ces réfugiés hautement diplômés rencontrent de grandes difficultés à faire valoir leurs diplômes et leurs expériences acquises dans leur pays d'origine.

Aussi, il lui semble tout à fait regrettable que notre système de diplôme, fondé sur la collation universitaire, ne sache pas reconnaître ces situations et arrive à exclure toutes ces personnes du marché du travail.

Par conséquent, alors que ces réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles dans le pays qui les accueille, et d'être acceptés dans leur nouvel environnement, il souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de reconnaître davantage leurs titres et diplômes universitaires.

Une meilleure reconnaissance de leur parcours universitaire et professionnel serait pour les personnes concernées et leurs proches un moyen sûr d'intégration, une façon de régler par le haut un problème social, et permettrait dans certains cas de lutter contre des déserts médicaux tout à fait regrettables.

Réponse émise le 17 janvier 2018

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d'État, j'attire votre attention ainsi que celle de Mme la ministre de l'enseignement supérieur sur la reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en France.

Le drame vécu par les réfugiés ne peut naturellement nous laisser indifférents. Il nous appartient de nous mobiliser pour rechercher les meilleures conditions d'accueil.

Tous les réfugiés irakiens ne présentent pas un faible niveau de qualification. À leur arrivée, ils ont même souvent un solide bagage éducatif et académique dans le supérieur. C'est le cas notamment dans le domaine de la santé publique : certains exerçaient dans leur pays les professions de chirurgien, de médecin ou encore de biologiste.

En effet, avant les différentes guerres qui l'ont frappé, l'Irak disposait d'un des systèmes éducatifs les plus performants du Moyen-Orient. Le taux de scolarisation y était excellent, l'école y était gratuite et obligatoire et la scolarisation des filles y atteignait un bon niveau. L'enseignement secondaire y offrait aussi des formations de qualité, particulièrement dans les établissements d'enseignement scientifique et technologique. Le pays comptait plus d'une vingtaine d'universités publiques ainsi que des facultés privées.

Malheureusement, une fois en France, les réfugiés irakiens rencontrent des difficultés à faire valoir leurs diplômes et leurs expériences acquises. Actuellement, il est important de noter qu'il n'existe pas de principe juridique d'équivalence entre les titres et les diplômes obtenus en Irak et les diplômes français. Seule une attestation de reconnaissance d'un certain niveau d'études atteint par comparaison au système français peut être obtenue.

Par ailleurs, selon que le diplôme porte sur l'exercice d'une profession réglementée ou non réglementée, la procédure n'est pas la même. Par exemple, les détenteurs d'un diplôme de docteur en médecine, en chirurgie dentaire, en pharmacie, ou d'un diplôme de sage-femme, obtenu en Irak, ne peuvent exercer sur le territoire français qu'après avoir eu l'autorisation de l'ordre ou du conseil national compétent, ce qui est d'ailleurs logique.

Ces procédures de reconnaissance et de comparabilité sont parfois longues, compliquées et difficilement accessibles aux bénéficiaires d'une protection internationale.

Ces réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles – au demeurant, nous avons souvent besoin d'eux – en se mettant au service du pays qui les accueille, d'être acceptés dans leur nouvel environnement et d'améliorer leur qualité de vie. Aussi, je souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de faire évoluer notre système et de faciliter la reconnaissance des titres et diplômes universitaires irakiens de qualité. Cet enjeu vaut d'ailleurs pour d'autres États que je n'ai pas cités.

Le Gouvernement envisage-t-il d'instaurer une convention bilatérale avec ce pays, qui dispose aujourd'hui d'institutions gouvernementales démocratiques, bref, d'un État, même si tout reste compliqué en Irak ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Bockel, vous posez une question particulièrement importante, et le Gouvernement est très sensible à la question de l'accueil des réfugiés.

Vous l'avez souligné, plusieurs dispositifs sont mis en œuvre pour répondre à l'urgence de la situation, notamment pour la reconnaissance des diplômes et des talents.

Le Programme national d'aide à l'accueil en urgence des scientifiques en exil, ou PAUSE, créé en janvier 2017, a pour mission de favoriser l'accueil des scientifiques en situation d'urgence pour permettre leur intégration et assurer la continuité de leurs travaux.

Ce programme, dans lequel se sont investis de nombreux établissements d'enseignement supérieur, réunit aussi de grandes institutions de la recherche telles que le Centre national de la recherche scientifique – le CNRS –, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – l'INSERM –, l'Institut national de la recherche agronomique, – l'INRA –, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique – l'INRIA –, ainsi que le ministère de l'intérieur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

À ce jour, une centaine de scientifiques ont pu bénéficier de ce dispositif. Pour lui permettre d'atteindre une plus grande ampleur, tous les outils disponibles doivent être mobilisés.

Ainsi, en matière de reconnaissance des diplômes, nous disposons des attestations de comparabilité émises par le centre ENIC-NARIC France abrité par le Centre international d'études pédagogiques, le CIEP. Conformément à la convention de Lisbonne, l'évaluation des diplômes peut être assurée sur la base d'une grille de dix critères, laquelle permet d'établir une comparabilité.

Lorsqu'un diplôme étranger ne peut être comparé à un niveau de diplôme en France, le centre ENIC-NARIC France établit, sous réserve des résultats de l'analyse du dossier, une attestation de reconnaissance d'études ou de formation à l'étranger.

Nous avons veillé à ce que le coût de ces deux procédures reste relativement modeste, afin qu'il ne constitue pas une entrave.

Les professions réglementées font effectivement l'objet d'une procédure spécifique. Pour ce qui concerne le secteur médical, celle-ci est définie par le ministère des solidarités et de la santé ainsi que par les ordres professionnels, afin de concilier la valorisation des compétences acquises avec les standards nationaux. Dans ce cadre, après un test de connaissances, la pratique fait l'objet d'une observation renforcée pendant trois ans, avant que le bénéficiaire puisse voler de ses propres ailes.

Je déduis de votre question qu'il est sûrement nécessaire de mieux faire connaître ces dispositifs, y compris aux publics concernés : il n'est pas certain que toutes et tous puissent faire valoir leurs droits en toute connaissance de cause. Il nous appartient de porter tous ces éléments à leur connaissance, afin que leur nouveau départ en France se fasse sous les meilleurs auspices.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d'État, merci de cette réponse concrète, qui ouvre sur des perspectives d'amélioration.

Pour tout vous dire, j'ai posé cette question à la suite de contacts que j'ai eus, chez moi, à Mulhouse, avec des associations de chrétiens d'Irak. Évidemment, elle ne se limite pas à ce cas spécifique : je l'ai posée de manière générale. Mais, à mon sens, il s'agit là d'un bon exemple de personnes qui se savent durablement déracinées. Même si Daesh a reculé, même si l'Irak est en train de se restructurer, les intéressés savent qu'il serait encore très dangereux de rentrer chez eux, compte tenu des persécutions auxquelles ils s'exposeraient.

Cela ne signifie pas que ces réfugiés ne pourront jamais rentrer en Irak. On peut espérer qu'ils contribueront un jour au développement de leur pays. Mais, aujourd'hui, on voit bien qu'ils sont installés durablement chez nous. Or ils ont souvent un haut niveau culturel, de grandes connaissances et la volonté de s'intégrer en France.

Votre réponse va dans le bon sens, car ces personnes représentent une élite qui peut nous apporter beaucoup. Naturellement, ces pistes ne vont pas à l'encontre de ce que nous devons faire en direction de l'ensemble des réfugiés présents sur notre sol.

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