M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le sort d'un jeune avocat franco-palestinien, arrêté le 23 août 2017 chez lui et placé en détention administrative pour 6 mois, sur ordre du ministère de la défense israélien. Après avoir connu l'enfermement pendant sept longues années, notre compatriote fait face, une nouvelle fois, à une décision arbitraire et contraire au droit international. La détention administrative a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver les opposants politiques, résistants pacifiques ou de nombreux citoyens de la protection légale à laquelle ils ont droit. Ce type de pratique a été largement utilisé en Irlande du Nord, en Afrique du Sud (sous le régime d'Apartheid), ainsi qu'à Guantanamo par les Etats-Unis. En Israël, des palestiniens sont ainsi détenus depuis plus de huit ans, sans inculpation, ni procès. Il faut rappeler que la détention administrative ne permet ni au jeune homme, ni à ses avocats d'avoir accès au dossier, pas plus que de connaître les raisons qui le conduisent à l'emprisonnement. De plus, la détention administrative peut être renouvelée indéfiniment tous les 6 mois. Emprisonné, sans pouvoir se défendre ni savoir ce qu'on lui reproche, voici donc la situation de notre compatriote depuis ces longues semaines. Le Quai d'Orsay a dénoncé « l'utilisation abusive et systématique de la détention administrative », « espéré » sa libération et « demandé » le respect de ses droits. Cependant, depuis cette prise de position fin octobre 2017, sa situation n'a pas évolué. Dans cette perspective, il lui demande quelle position va prendre la France pour que les droits de ce jeune avocat franco-palestinien soient enfin respectés.
M. Gilbert Roger. J'attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi fondamentale qui vise à définir l'État d'Israël comme le « foyer national du peuple juif ».
Ce texte devrait être examiné prochainement en séance plénière, en première lecture, par la Knesset. Fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il dispose qu'Israël est « l'État-nation du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l'hébreu comme seule langue officielle. Il précise également que le droit à l'autodétermination est réservé au seul peuple juif.
La langue arabe, parlée par au moins 20 % d'Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait ainsi son statut et ne serait plus une des langues officielles de l'État.
Enfin, une disposition de ce texte définit et légalise une ségrégation ethnique en autorisant un groupe d'une même religion à vivre en communauté, séparé des autres. Cette mesure permet l'établissement de communautés exclusivement juives.
Non seulement ce projet de loi risque d'aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d'Israël, mais il va à l'encontre des principes démocratiques et institutionnalise des discriminations raciales.
Aussi, je vous demande de bien vouloir m'indiquer la position du gouvernement français sur ce texte et sur les conséquences internationales qui découleraient de son adoption.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Gilbert Roger, comme vous l'avez indiqué, un projet de loi sur le caractère juif de l'État d'Israël est actuellement examiné par le législateur israélien.
Il s'agit d'un projet de loi fondamentale en ce sens que ce texte aurait valeur constitutionnelle en cas d'adoption. Il rappelle un certain nombre d'éléments, que vous avez mentionnés. Il introduit notamment la reconnaissance d'Israël comme « foyer national du peuple juif » et accorde à ce dernier l'exclusivité du droit à l'autodétermination dans l'État.
Vous comprendrez qu'il n'appartient pas à la France de se prononcer sur les discussions de parlementaires étrangers. De même, il nous serait sans doute difficile d'accepter le regard d'autres États sur nos propres débats.
Le parlement israélien débat de cette question avec intensité. D'ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Ainsi, je crois comprendre que des progrès sont en train d'être accomplis pour que le statut de la langue arabe ne soit pas remis en cause.
Pour autant, il est vrai que ce texte suscite des préoccupations de notre part.
Notre première préoccupation tient au risque de discrimination à l'encontre des citoyens arabes. À cet égard, je rappelle le profond attachement de la France au principe de non-discrimination, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, à l'instar, d'ailleurs, d'Israël, et conformément au droit international, lequel a vocation à s'appliquer à tous.
Notre seconde préoccupation porte sur la conformité de ce projet à la solution à deux États. En effet, la résolution de cette situation passe par la mise en place des deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie.
Vous connaissez, en outre, la position constante de la France au sujet de Jérusalem. Au mois de décembre dernier, le chef de l'État a dit les choses très clairement. La France est naturellement l'amie du peuple palestinien, comme elle est l'amie du peuple israélien, et ce lien d'amitié nous permet aussi de dire les choses très franchement.
Ainsi, en accueillant le Premier ministre israélien, le Président de la République a pu évoquer un certain nombre de points relatifs, en particulier, à la colonisation. La France ne porte pas ses convictions dans un mouchoir, mais, bien au contraire, sur un étendard !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Pour conclure, il importe également de prendre garde au moment. Aujourd'hui, le climat est tendu. Mieux vaut y regarder à deux fois avant de risquer de le tendre un peu plus.
Voilà ce que peut dire le gouvernement français à ce stade.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d'État, merci de votre réponse. Le Sénat, notamment à travers ses deux groupes d'amitié France-Israël et France-Palestine, est extrêmement attentif à cette situation.
Nous avons récemment reçu, à leur demande, des parlementaires de la Knesset, membres de ce que j'appellerais la partie arabe de cette assemblée, alors qu'ils faisaient une tournée européenne. Ils ont également été reçus, me semble-t-il, par l'un des directeurs de votre ministère.
Ces parlementaires nous ont fait part de leurs préoccupations, notamment quant au statut de la langue arabe, car cette réforme risque d'entraîner de grandes complications pour un certain nombre de citoyens israéliens de langue arabe. Ils ont exprimé la même inquiétude auprès des instances de l'Union européenne.
Nous devons donc rester dans notre rôle – vous l'avez rappelé avec raison – et, en même temps, nous montrer extrêmement positifs, afin que de telles lois ne puissent pas remettre en cause les relations internationales et les règles internationales que les pays se donnent.
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