Mme Cécile Cukierman attire l'attention de M. le Premier ministre au sujet des nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM).
Afin de protéger l'environnement, les productions agricoles et la santé des consommateurs d'une introduction non maîtrisée d'organismes génétiquement modifiés (OGM), l'Europe et la France se sont dotées de réglementations fortes, fondées sur les principes irrévocables de précaution et de transparence.
Ce choix est largement plébiscité par nos concitoyens qui souhaitent que les OGM soient évalués avant toute autorisation de dissémination et s'ils sont autorisés, qu'ils soient étiquetés et tracés. Ce choix a également permis d'investir sur la production de qualité sans OGM.
Aujourd'hui, face à la remise en question de cette stratégie par certaines entreprises du secteur qui souhaitent la déréglementation afin de commercialiser leurs variétés ou produits génétiquement modifiés, la confédération paysanne a mené une action devant le Conseil d'État (CE) et la Cour de justice de l'Union européenne.
Cette procédure a permis de clarifier le champ d'application de la réglementation OGM, puisque le CE a enjoint, le 7 février 2020, au Premier ministre, dans un délai de six mois à compter de la présente décision, de modifier le a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement, en fixant par décret pris après avis du haut conseil de biotechnologies (HCB) la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps.
Le Gouvernement a soumis un projet de décret à l'avis du HCB qui lui a rendu son avis en juillet 2020.
Or, le Gouvernement n'a toujours pas publié ce décret, malgré le délai de six mois imposé par le CE à compter du 7 février 2020.
Cette inaction est grave de conséquences tant pour les consommateurs, particulièrement concernés par la chaîne alimentaire, que pour les agriculteurs qui risquent notamment d'être trompés par l'étiquetage de leurs achats. En outre, on peut se questionner quant à l'évaluation des risques et le suivi des cultures VrTH (variétés rendues tolérantes aux herbicides) non soumises à la réglementation OGM et à l'information des consommateurs.
C'est pourquoi elle lui demande les raisons qui ont conduit la France à ne pas exécuter cette décision du Conseil d'État et quand il a l'intention de l'exécuter compte tenu des délais très courts imposés par ailleurs.
Le Gouvernement a examiné avec intérêt la question posée, relative à la mise en œuvre de la décision du Conseil d'État du 7 février 2020 sur les organismes obtenus par mutagenèse et les variétés tolérantes aux herbicides. Cette décision fait suite à l'arrêt du 25 juillet 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a affirmé que tout produit issu d'une technique de mutagenèse est un organismes génétiquement modifiés (OGM) et que seuls sont exemptés les produits de techniques traditionnellement utilisées et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Le Conseil d'État, tirant les conclusions de cet arrêt, a donc considéré que les plantes obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro des cellules, parmi lesquelles se trouvent une partie des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), doivent être considérées comme relevant de la réglementation sur les OGM, et a enjoint au Gouvernement de modifier la réglementation nationale en ce sens. Le Gouvernement élabore actuellement les textes visant à fixer la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagénèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée. Ces textes ont été soumis au Haut Conseil des Biotechnologies, qui a rendu son avis le 15 juillet 2020, et ont été notifiés à la Commission européenne et aux États Membres le 6 mai 2020. Ils feront ensuite l'objet d'une consultation du public. Le Gouvernement examine actuellement les conditions de mise en œuvre de cette consultation. D'autre part, le Conseil d'État, dans sa décision, a enjoint au Gouvernement de mettre en œuvre les recommandations formulées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) dans son avis du 26 novembre 2019, consistant à renforcer les dispositifs de suivi et de surveillance de ces cultures de variétés tolérantes aux herbicides qui resteront autorisées, et de prescrire des conditions de cultures appropriées pour ces VRTH. Pour donner suite à cette injonction, l'Anses a été saisie le 10 juin 2020 pour appuyer le ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation dans la construction d'un programme d'études de suivi des VRTH. Ces études consisteront à recueillir des données permettant d'évaluer les risques sanitaires et environnementaux liés à l'utilisation de variétés tolérantes aux herbicides, en comparaison avec des variétés non tolérantes. Le ministère de l'agriculture a également saisi l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE) le 8 juillet 2020 pour définir les conditions appropriées de mise en culture visant à prévenir le risque d'apparition de résistances et à élaborer des recommandations pour le conseil aux agriculteurs. Les conclusions de ces deux saisines sont attendues d'ici la fin de l'année. Le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 contient une habilitation à légiférer par ordonnance, qui permettra, par la suite, de porter les éventuelles dispositions législatives et réglementaires nécessaires à la mise en œuvre du dispositif de suivi et de surveillance des VRTH et à la prescription de conditions de cultures appropriées pour ces mêmes variétés.
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