Mme Catherine Conconne. Ma question s'adresse à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé vouloir faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. Je ne peux qu'approuver. Les violences au sein des couples, dont les femmes sont les premières victimes, comptent toutefois parmi les faits les plus difficiles à déceler.
En France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. À la Martinique, le dernier homicide perpétré dans le cadre conjugal date de ce week-end !
La Martinique est un territoire particulièrement touché par les violences conjugales : en la matière, le taux de criminalité est de 9,5 pour 1 000, contre 4,4 pour 1 000 à l'échelle nationale. En 2017, près d'un millier de plaintes concernant des faits de violences au sein du couple ont été traitées par les services de police et de gendarmerie martiniquais.
Pour combattre un tel fléau, une seule arme : la connaissance. Aujourd'hui, seulement un fait de violence conjugale sur dix est porté à la connaissance des services de police et de gendarmerie. Cette délinquance spécifique devrait être comptabilisée de manière distincte dans les statistiques. Or il existe, dans l'opinion, un discours récurrent selon lequel les victimes de violences au sein du couple seraient difficilement identifiées par les enquêteurs, du fait du manque de moyens.
Cette difficulté que rencontrent les services d'enquête tiendrait-elle à ce que la hiérarchie souhaite éviter le dépôt de ces plaintes, qui aggrave les chiffres de la délinquance ?
Afin de mobiliser davantage nos forces de l'ordre sur cet aspect de la délinquance, de faciliter la parole des victimes et de développer des politiques publiques adéquates, le Gouvernement peut-il, madame la ministre, s'engager à réformer l'état 4001, qui recense l'activité des services de police et de gendarmerie et sert d'indicateur de la délinquance ?
D'une part, il conviendrait de créer une ligne spécifique propre aux procédures pour violences au sein du couple. Pour l'heure, une telle ligne n'existe toujours pas, alors que la thématique en question est censée être une priorité nationale depuis des années.
D'autre part, il faudrait classer cette ligne parmi celles pour lesquelles une hausse des faits constatés est considérée comme un fait positif. Une telle hausse ne signifierait évidemment pas une augmentation des faits de violence, mais une réduction de la « zone grise » des faits réels n'ayant fait l'objet d'aucune plainte.
M. le président. Votre question, s'il vous plaît !
Mme Catherine Conconne. Une hausse des faits d'usage de stupéfiants recensés est considérée comme un indicateur de la performance des services : ne pourrait-il en être de même pour les violences au sein du couple ? Un tel changement ne pourrait avoir que des vertus. Aussi j'attends une réponse positive de votre part !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler un événement dramatique survenu ce week-end en Martinique. Naturellement, la lutte contre les violences faites aux femmes sur l'ensemble de notre territoire est une priorité absolue du Gouvernement.
Vous avez rappelé à juste titre que l'amélioration des connaissances est un enjeu très important pour ce qui concerne les violences faites aux femmes. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé, dans les départements d'outre-mer, une grande enquête, intitulée violences et rapports de genre, ou VIRAGE DOM, consacrée à ces violences. Au total, 10 000 personnes, femmes et hommes, sont interrogées. Les premiers résultats sont attendus pour la fin de l'année 2018. Je tenais à apporter ces précisions, car une fine connaissance de cette problématique est nécessaire.
Par ailleurs, dans son discours du 25 novembre dernier, le Président de la République a rappelé que les politiques publiques menées dans ce domaine devaient être adaptées aux besoins des victimes, afin que l'on puisse apporter les réponses les plus efficaces possible.
C'est pourquoi nous réfléchissons aujourd'hui à l'opportunité de créer un observatoire de l'égalité en Martinique. Cette mesure a d'ailleurs été préconisée par le Conseil économique social et environnemental dans un rapport récent.
Bien sûr, de nombreux partenaires associatifs agissent également. Le ministère de la justice a mis en place l'opération « Téléphone grave danger ». Ce dispositif est également déployé en Martinique.
La présence d'équipes territoriales des droits des femmes dans chacun des territoires est également une nécessité.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, madame la sénatrice, je vous invite à relayer cette parole sur les violences faites aux femmes dans le cadre des ateliers du tour de France de l'égalité et des Assises de l'outre-mer. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire tout ce qui est en son pouvoir dans tous les territoires, y compris, bien entendu, les territoires ultramarins, dont la Martinique. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
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