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Bruno Retailleau
Question d'actualité au gouvernement N° 278 au Premier Ministre


Lutte contre le terrorisme

Question soumise le 28 mars 2018

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, le califat n'est plus, Raqqa et Mossoul sont tombés, mais les djihadistes, eux, sont toujours debout, et le sang de leurs victimes innocentes coule encore.

Au nom de mon groupe, je veux dire aux familles endeuillées notre respect, mais surtout notre soutien total. Je veux aussi exprimer aux forces de l'ordre notre profonde admiration et notre profonde reconnaissance ; je veux tout spécialement rendre hommage à la mémoire de celui qui, parmi elles, s'est sacrifié. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame était, jusqu'à vendredi, un officier supérieur de gendarmerie. Il incarne désormais, aux yeux de nous tous, la figure du héros français. Au « chacun pour soi », il a opposé le don de soi, message civilisateur par excellence.

Son geste nous oblige désormais à la lucidité de nommer l'ennemi, le totalitarisme islamiste, sans craindre en retour les faux procès en islamophobie. Il nous oblige aussi au courage, parce qu'il y a pire que l'horreur : c'est l'accoutumance à l'horreur. Nous ne devons céder ni à la fatalité ni au fatalisme. La lutte contre le terrorisme islamiste appelle, bien sûr, un arsenal sécuritaire et judiciaire. Elle appelle surtout qu'on applique la loi telle que nous l'avons déjà adoptée. Mais cette lutte exige aussi de ne rien céder sur nos valeurs, sur ce que nous sommes, et de reconquérir tous les territoires perdus de notre République, où qu'ils soient, au sens propre comme au sens figuré.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Alors, monsieur le Premier ministre, cette lucidité, ce courage, le Gouvernement est-il prêt à les assumer totalement, complètement, et sans ambiguïté ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Michel Amiel applaudit également.)

Réponse émise le 28 mars 2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Retailleau, je crois que je pourrais partager – je n'en suis d'ailleurs pas surpris – tous vos mots et toutes les idées que vous venez d'exprimer. Je veux le dire très directement : je partage totalement vos déclarations sur le respect que nous devons aux militaires français qui se battent à l'extérieur de nos frontières pour garantir notre sécurité et sur celui que nous devons aux forces de sécurité qui interviennent pour protéger les Français, de façon parfois spectaculaire et systématiquement courageuse.

Nous devons aussi le respect à ceux de nos forces de sécurité, qu'ils soient policiers, gendarmes ou autres fonctionnaires, qui travaillent de façon beaucoup moins spectaculaire à des tâches d'analyse, de détection et d'affectation de moyens, des tâches qu'on ne voit pas, mais qui sont exercées – vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur – avec la même concentration, la même détermination et, d'une certaine façon, la même rage de bien faire que celles qui animaient le lieutenant-colonel Beltrame.

Vous nous invitez, monsieur Retailleau, à la lucidité, vous nous appeler à nommer notre ennemi. Je partage votre avis : le totalitarisme islamiste est notre ennemi. Il l'est à l'extérieur de nos frontières, et il l'est aussi à l'intérieur lorsqu'il se développe et lorsqu'il passe à l'acte.

Au fond, monsieur le sénateur, vous m'exhortez à faire preuve de détermination. La détermination du Gouvernement est entière. Je partage encore votre avis, quand vous déclarez, avec le sens républicain chevillé à l'esprit, que cette détermination ne doit jamais se traduire par un renoncement à ce que nous croyons ou à ce que nous sommes, au respect de l'État de droit ou aux convictions qui sont défendues par le Sénat.

J'ai en mémoire, pour en avoir souvent discuté avec M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, la qualité des débats et des arguments échangés ici, par exemple, lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, texte qui nous a permis de doter le droit commun des instruments nécessaires lorsque nous sommes sortis de l'état d'urgence.

Je sais combien le Sénat s'est montré attaché tant à la défense des libertés individuelles qu'à l'efficacité de l'action publique, et je partage cette exigence, monsieur le sénateur.

Je sais que l'émotion est puissante après des événements d'une telle nature, et je ne la discute pas. Les questionnements sont nombreux, et ils sont légitimes. Des polémiques peuvent aussi se faire jour. Après tout, c'est l'honneur des démocraties que d'avoir des polémiques ; il y a des régimes où cela est impossible.

Je préfère avoir des polémiques. Elles sont naturelles, elles s'exercent. Des propositions sont faites.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement ne déviera pas : il affectera les moyens nécessaires aux forces de l'ordre et à la justice, pour que ceux-ci puissent mieux exercer leurs missions de façon constante. Les 10 000 emplois qui seront créés au cours du quinquennat dans les forces de police et de gendarmerie serviront, pour 1 900 d'entre eux, à doter les services de renseignement. C'est loin d'être négligeable, et c'est indispensable.

Il en est de même pour notre organisation judiciaire. La création d'un parquet national antiterroriste permettra, là encore, de mieux coordonner l'action judiciaire, de favoriser la détection et la répression des virages, des tentations et, parfois, des passages à l'acte terroristes.

Je le répète, monsieur le sénateur, je partage tous les termes de votre question. Je réaffirme, devant vous, devant l'ensemble des groupes, devant le Sénat tout entier, la détermination totale du Gouvernement.

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