M. Guillaume Gontard. Permettez-moi d'abord d'apporter, au nom du groupe CRCE, notre soutien plein et entier aux cheminots, aux étudiants (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et à tous ceux qui défilent cet après-midi (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.) pour défendre l'idée qu'ils se font du service public, patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
Ma question s'adresse conjointement au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Monsieur le ministre d'État, j'imagine votre désarroi en constatant le faible intérêt du Président de la République pour l'agriculture et l'écologie.
Curieusement, lors de ses interventions récentes, il a essentiellement évoqué le sujet pour discréditer l'idée d'un nouveau mode de production alternatif et collectif…
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Guillaume Gontard. … qui germe notamment sur les terres préservées de Notre-Dame-des-Landes.
M. Philippe Dallier. C'est le comble !
M. Guillaume Gontard. Nous ne pouvons plus nous permettre de mépriser les tentatives de ceux qui osent un changement radical.
(Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
La renégociation de la PAC 2021–2027 est une occasion pour le Gouvernement de prendre ce virage. Le calendrier s'accélère. Lundi, à l'occasion du conseil des ministres européens de l'agriculture, la plateforme « Pour une autre PAC » et ses partenaires d'outre-Rhin ont remis leurs propositions communes aux ministres français et allemands de l'agriculture et de l'environnement.
Dans six semaines, les grandes lignes de la PAC qui engageront l'Union européenne jusqu'en 2027 seront fixées. Or nous n'avons à ce jour que peu d'informations, même sur la position française, si ce n'est le bruit d'une baisse impensable des crédits de 3 milliards d'euros.
(Mme Sophie Primas s'exclame.)
Le Sénat s'en est ému le 12 avril en adoptant une proposition de résolution européenne demandant au Gouvernement de défendre une PAC plus ambitieuse que le dernier exercice. Ce dernier a largement favorisé l'agrobusiness au détriment des petits paysans et de la transition vers une agriculture durable.
Comme la plateforme, nous invitons le Gouvernement à faire de la PAC une véritable politique agricole et alimentaire commune. C'est l'occasion de réinsuffler des perspectives pour le secteur agricole français, tout en répondant aux fortes attentes de nos concitoyens, que ce soit en matière d'alimentation, d'environnement, de santé ou de lutte contre le changement climatique !
Monsieur le ministre d'État, merci d'avance de rassurer la représentation nationale quant à la triple ambition européenne, agricole et écologique de la France !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, si je n'adhère pas à la première partie de votre intervention, je souscris tout au moins à la deuxième.
Je forme le vœu que ce levier fantastique qu'est le budget de la politique agricole commune permette une mutation en profondeur de notre modèle agricole et, pour le dire de manière schématique, de passer d'une agriculture intensive en pesticides et à faible taux d'emplois…
M. Jean Bizet. Caricature !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. … à une agriculture intensive en emplois et à faible taux de pesticides.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Joseph Castelli et Joël Labbé applaudissent également.)
Oui, la politique agricole commune est une des plus anciennes politiques européennes ! Elle est nécessaire. Mais, vous l'avez dit, elle doit être adaptée aux enjeux et au contexte du XXIe siècle. En ce moment même, Stéphane Travert est en train d'œuvrer dans cette perspective à l'Assemblée nationale.
Le premier axe – je pense que nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point – est de retrouver et de construire une souveraineté alimentaire en France, notamment avec un plan de production de protéines végétales digne de ce nom. Il ne faut plus dépendre d'importations qui s'effectuent souvent, vous le savez bien, au détriment de la forêt amazonienne.
Je pense que la prochaine PAC doit nous permettre de nous émanciper de ces importations massives de protéines. Nous ne sommes évidemment pas fermés – bien au contraire ! – au commerce international. Mais nous ne pouvons pas sacrifier nos exigences sociales et environnementales. La PAC doit donc contribuer à reconstruire cette fameuse indépendance alimentaire.
Le deuxième axe de modernisation est la transformation de l'agriculture vers des modèles centrés, comme le demandent les consommateurs, sur la qualité, la réduction des pesticides et la protection de l'environnement. Ces services doivent être rémunérés ; ils doivent diversifier économiquement les revenus des agriculteurs.
Par conséquent, la PAC ne peut plus être centrée uniquement sur les rendements. La course au « toujours plus » détruit en effet les fondements même de l'agriculture, c'est-à-dire les sols et leur biodiversité, ainsi que l'eau. Les aides doivent être dorénavant centrées sur ce nouveau modèle, à la fois protecteur pour la planète et les consommateurs et plus rémunérateur pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
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