M. Franck Menonville. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Elle porte sur la reconversion en bioraffinerie du site Total de La Mède.
Monsieur le ministre d'État, vous avez récemment accepté que Total exploite sur le site de La Mède quelque 300 000 tonnes d'huile de palme brute, pour une production annuelle de 500 000 tonnes de biocarburant.
Or cette situation peut être très lourde de conséquences. En effet, elle pourrait priver les producteurs français d'oléagineux d'un débouché durable, qui a permis de bâtir une filière performante, assurant à la fois sa vocation de nourricière principale de l'agriculture et sa participation à la transition énergétique.
L'utilisation d'huile de palme importée suscite de lourdes inquiétudes sur le plan tant agricole qu'écologique. D'une part, cela pourrait concurrencer, voire déstabiliser, les filières nationales bâties autour des productions biodiesel de colza et de tournesol, qui valorisent les productions de proximité. D'autre part, la culture de l'huile de palme est la principale cause de déforestation en Asie du Sud-Est.
Cette décision semble en parfaite contradiction avec l'axe 15 de votre plan Climat, visant à lutter contre la déforestation importée.
L'impact immédiat de cette production sur la filière de colza peut être considérable, en entraînant une perte de 400 000 hectares, soit une diminution de 27 % des surfaces actuelles.
La filière biocarburants européenne et française constitue une source de protéines qui nous permet d'être moins dépendants du soja américain, très majoritairement OGM. À l'heure où il est question de défendre l'agriculture française, pour mieux lui permettre de répondre à des défis décisifs, cette annonce semble en contradiction avec l'ambition portée par le Gouvernement.
Monsieur le ministre d'État, la filière française de biocarburants est essentielle pour notre agriculture. Elle a réalisé des investissements nombreux et importants. Elle doit être rassurée, tout comme nos concitoyens, si l'on en croit les nombreuses réactions au tweet de ma collègue Nathalie Delattre.
(Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Menonville, ce n'est pas de gaîté de cœur que j'ai signé le décret dont vous parlez. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) L'histoire n'est jamais aussi simple qu'elle est présentée.
En 2015, un accord a été conclu entre Total et le gouvernement précédent pour transformer cette raffinerie en bioraffinerie, afin de préserver 450 emplois.
Total a effectué plusieurs centaines de millions d'euros de travaux. Si je m'en étais tenu à mon objectif, j'aurais mis 250 personnes au chômage, alors que même que Total a tenu son engagement.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Le sens de l'histoire, c'est de sortir des biocarburants, notamment de ceux qui provoquent de la déforestation importée. Après avoir discuté avec M. Patrick Pouyanné, j'ai réussi à ramener de 450 000 tonnes, initialement prévues, à 300 000 tonnes la consommation annuelle d'huile de palme, pour encourager plutôt la hausse, d'année en année, de l'utilisation des huiles usagées.
Le plus important, parce que c'est le sens de l'histoire – nous y travaillons au niveau européen –, c'est de faire en sorte que l'Europe mette fin progressivement et définitivement à l'importation des huiles de palme. Dans cette attente, j'ai demandé à Total de veiller à ce que soient respectées les plus hautes exigences environnementales et que soit assurée la traçabilité de son approvisionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
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