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Roger Karoutchi
Question d'actualité au gouvernement N° 356 au Secrétariat d'État


Propos du procureur de la République de Paris

Question soumise le 30 mai 2018

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, le procureur Molins est un homme respecté, un homme pondéré, il n'est ni un agité, ni un démagogue.

Le procureur Molins annonce, sereinement, si je puis dire, que 20 détenus islamistes radicalisés vont être libérés en 2018 et que 20 détenus islamistes radicalisés le seront en 2019. Les 40 sont des dangers pour la société française, les 40 ! Or ils vont tous être libérés. Et ce alors que nous venons d'assister ce matin à Liège à ce que vous savez.

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l'arsenal pénal français doit être renforcé parce que la sécurité de nos concitoyens le vaut bien ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)

Réponse émise le 30 mai 2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous l'avez dit, le procureur Molins est respecté. Et il a énoncé, hier, à l'occasion d'un entretien télévisé, un certain nombre de vérités qui ne sont pas contestées et que je voudrais évoquer devant vous.

D'abord, il a dit qu'il existe en France, de manière permanente, une menace durable, endogène, diffuse, que nul ici ne songe à prendre à la légère, mais qui doit nous guider, nous alerter en permanence, à chaque moment où nous avons à prendre des décisions. Et je veux vous dire, monsieur le sénateur, sachant que vous n'en doutez pas, que tel est exactement l'état d'esprit du Gouvernement.

Vingt-trois attentats – le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a eu l'occasion de donner ce chiffre – ont été évités depuis le début de l'année 2017.

Lorsque les services de renseignement, en bonne coordination et intelligence avec les services de police et de gendarmerie, interviennent pour interdire la commission d'un attentat, ils le font en général de façon assez peu spectaculaire et, bien souvent, le grand public n'en est pas informé.

Il n'en reste pas moins que ces actes, extrêmement précis dans leur réalisation, qui sont le fruit d'un travail considérable, font honneur à nos sources de renseignements. Nous sommes, là encore, déterminés à leur donner les moyens – j'aurai l'occasion d'y revenir – pour qu'ils puissent poursuivre cette action.

Le procureur Molins a en effet indiqué qu'un certain nombre de détenus radicalisés allaient être libérés, car ils arrivaient en fin de peine. Sur les 70 000 détenus dans les prisons françaises, il en est 1 600 dont on estime qu'ils sont radicalisés, 500 – je dis bien 500 – sont détenus soit parce qu'ils sont poursuivis, soit parce qu'ils sont condamnés pour des faits liés à des actes terroristes, et 20, comme vous l'avez dit, arriveront en fin de peine en 2018, tandis que 20 autres arriveront en fin de peine en 2019.

Il faut évidemment, et telle est bien l'intention du Gouvernement, garantir un travail très étroit de coordination avec les services de renseignement pénitentiaire, avec l'ensemble des services compétents – renseignement, police, autorité préfectorale –, pour veiller à encadrer des individus qui, de par l'application de la loi, seront prochainement libérés. J'ai vu les sénateurs se lever, à juste titre, pour saluer l'attachement proclamé par le président du Sénat à la Constitution. Et j'imagine qu'ils se lèveront tout autant à l'idée qu'il appartient pour l'État, pour la justice, pour l'ensemble de nos concitoyens, de respecter la loi.

Ces individus seront donc, parce qu'ils arrivent en fin de peine, libérés, mais il va de soi que l'ensemble des services compétents maintiendra, pour des raisons évidentes, un niveau de suivi extrêmement attentif.
(Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je pense au bureau du renseignement pénitentiaire, je pense à l'accompagnement pluridisciplinaire mis en œuvre par l'administration pénitentiaire pour essayer de déceler ou de faire décroître la radicalisation d'un certain nombre de ces détenus. Et je suis parfaitement conscient qu'en disant cela, j'énonce une vérité qui peut sembler parfois peu crédible. Toutefois, pour avoir rencontré toute une série de spécialistes intervenant dans les prisons, et qui suivent de façon spécifique les détenus radicalisés, nous savons que certaines méthodes offrent de meilleurs résultats que d'autres et qu'il serait donc peu opportun de ne pas les mettre en œuvre.

Premier élément, l'ensemble des services compétents procèdent donc à un suivi extrêmement précis et attentif des détenus.

Deuxième élément rappelé par le procureur Molins, qui l'a appelé de ses vœux, que le Président de la République a évoqué à l'occasion d'un discours prononcé à l'Élysée et dont j'ai moi-même indiqué non pas les paramètres mais les enjeux, la meilleure information des maires sur ce sujet. L'exercice est difficile. Nous le savons, la difficulté provient, d'abord, du fait que certains maires souhaitent le pratiquer et d'autres pas. La difficulté provient, ensuite, du fait qu'on ne peut pas, sans mettre en cause nos sources de renseignement, diffuser de façon trop large les éléments recueillis.

Pour donner des bons résultats, l'exercice doit donc faire l'objet de protocoles entre l'État et les maires. Il faut faire en sorte que les autorités locales, qui disposent souvent de signaux faibles, s'associent à l'État en les lui transmettant. Nous pouvons discuter avec elles pour garantir un meilleur niveau de suivi. Tel est le sens de la mesure évoquée par le procureur Molins, et je crois qu'il a raison. Je pense même que nous devons, tous ensemble, trouver les moyens de garantir l'efficacité de cet échange d'informations, lequel, je le dis encore une fois, n'a rien d'évident.

Troisième et dernier élément, monsieur le sénateur, l'engagement total du Gouvernement pour donner aux forces de l'ordre et aux services de renseignement les moyens dont ils ont besoin pour effectuer dans de bonnes conditions les missions de suivi.

J'en suis convaincu, je vous le dis, monsieur le sénateur, à vous qui avez exercé des responsabilités éminentes, en matière de sécurité, le plus utile, ce n'est ni la communication, ni même nécessairement l'arsenal législatif, c'est l'efficacité opérationnelle. Et elle passe aujourd'hui notamment par plus de moyens affectés au terrain, par plus de policiers, par plus de gendarmes, un effort de la Nation dans lequel nous sommes engagés. Il se traduira par 10 000 recrutements au cours du quinquennat, dont 1 900 serviront à étoffer les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. L'efficacité opérationnelle, c'est un art d'exécution ; c'est un travail remarquable fait par les forces de l'ordre. Vous les soutenez, comme nous les soutenons. L'efficacité opérationnelle, c'est un suivi qui va s'affiner. Compte tenu des effectifs que j'ai mentionnés, les 20 de 2018 et les 20 de 2019, nous sommes parfaitement en mesure de fournir cet effort et d'assurer leur suivi.

Je veux redire ma confiance et la détermination entière du Gouvernement à soutenir les efforts des forces de l'ordre.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, il est évident qu'ici, dans notre groupe, comme d'ailleurs dans l'ensemble de l'hémicycle, les forces de police, les forces de gendarmerie, les services de renseignement nous ont toujours trouvés à vos côtés pour faire en sorte que leurs moyens soient renforcés, et je veux leur rendre solennellement hommage.

Cependant, le problème n'est pas uniquement dans la force ou dans la présence. Il est, vous l'avez dit, aussi dans la loi. Vous nous dites : « Nous sommes ici, nous, le Gouvernement, pour appliquer la loi ». Et nous, nous vous disons, monsieur le Premier ministre : « Faites avancer la loi, faites bouger la loi ! ».

Il est évident qu'il faut bouger sur la consultation des sites djihadistes ! Il est évident qu'il faut bouger sur le fait qu'un lien avec une organisation terroriste doit être considéré comme une intelligence avec l'ennemi ! Il est évident qu'il faut que tous les Français se disent que la guerre au terrorisme, nous la menons ensemble ! Et, en tout cas, au groupe Les Républicains, nous serons, si vous avancez là-dessus, toujours à vos côtés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Joël Guerriau applaudissent également.)

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