M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et a trait précisément au montant du cadre financier pluriannuel européen pour les années 2020–2027.
La récente proposition de la Commission se chiffre à hauteur de 373 milliards d'euros, c'est-à-dire 1,114 % du revenu national brut des vingt-sept États membres.
Si je me réjouis de l'augmentation importante des crédits affectés tant à la protection des frontières extérieures de l'Union qu'à la lutte contre l'immigration illégale ou à la création d'un Fonds européen de la défense ou de l'Europe de l'innovation, je suis particulièrement critique quant à la baisse annoncée des crédits de la politique agricole commune et des fonds de cohésion.
Pour la seule politique agricole commune, cela se traduira, pour le premier pilier, par une diminution des crédits de 14,7 % et, pour le deuxième pilier, par une diminution des crédits de 27,3 %.
Ma critique est plus sévère encore après avoir entendu, jeudi dernier, lors de son audition devant la commission des affaires européennes et la commission des finances, le commissaire Oettinger souligner très clairement le double langage de la France. Je m'explique : à Bruxelles, la France n'a pas suivi la proposition de l'Allemagne, qui consistait à augmenter le cadre financier pluriannuel ; à Paris, la France s'en émeut et se lamente.
Ma question est simple : quelle est la véritable position de la France sur le montant du cadre financier pluriannuel ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Jean Bizet, la France a toujours été constante : oui, il y a de nouveaux défis à relever et, de ce point de vue, certains éléments du nouveau cadre financier pluriannuel – propositions mises sur la table par la Commission – peuvent aller dans le bon sens. C'est le cas quand on parle de défense, quand on parle d'innovation, de gestion des frontières externes. Mais la France a aussi dit avec constance qu'il nous fallait préserver un certain nombre de politiques fondamentales qui font l'Europe au quotidien, dont la politique agricole commune, la PAC.
L'Europe, on s'en souvient, c'est le charbon, c'est l'acier, mais c'est aussi, dès 1957, la PAC et nous y sommes fondamentalement attachés.
La France l'a dit très clairement dès le 2 mai, elle n'acceptera pas cette baisse drastique proposée par la Commission européenne, tout simplement parce qu'elle pourrait emporter des conséquences très importantes sur la viabilité de nombreuses exploitations.
Pour la France, non, la PAC n'est pas une variable d'ajustement ! C'est clair, c'est net, c'est précis, cela a été dit et on le redit ! Stéphane Travert sera d'ailleurs, ce jeudi, à Madrid, avec un certain nombre de ses homologues, pour consolider le soutien à cette politique. Monsieur le président Bizet, nous étions ensemble à Buenos-Aires au mois de décembre, lors de la session ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Vous l'avez vu, la France a su, à ce moment-là, pour défendre notre agriculture, réactiver une coalition d'États membres qui avaient arrêté un certain nombre de lignes rouges en matière de négociations commerciales internationales. Nous sommes tout à fait dans cette logique de montrer notre attachement à cette politique.
Il y a d'ailleurs des marges de manœuvre : en matière de recettes, parlons des rabais qui peuvent éventuellement être supprimés plus vite que prévu ! Parlons des ressources propres ! Vous le voyez, monsieur le président, nous avons une ferme détermination à défendre, à Paris comme à Bruxelles, partout, cette politique !
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi deux remarques.
D'abord, il ne nous reste que quelques mois – quelques mois seulement ! – pour trouver des alliés et conclure des accords. La première réunion aura lieu jeudi prochain.
Ensuite, un agriculteur français sur trois vit aujourd'hui – ou plus exactement survit – avec 350 euros par mois.
M. Jean-François Husson. C'est inacceptable !
M. Jean Bizet. Vous imaginez que toute baisse des dotations communautaires aura une répercussion humaine et territoriale dramatique, d'autant que je ne vois pas la stratégie économique agricole de ce pays.
M. Jean-François Husson. Eh oui ! C'est bien le problème !
M. Jean Bizet. Ce qui annonce le déclin de l'agriculture française, et je le redoute ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
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