M. Philippe Dallier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Elle est relative au rapport d'évaluation de l'action de l'État en Seine-Saint-Denis pour les missions police, justice et éducation que deux de nos collègues députés ont rendu la semaine dernière.
Les conclusions de ce rapport sont édifiantes. Dans ce département qui est le plus pauvre de France, le plus jeune de France, le plus criminogène de France, où l'échec scolaire est devenu endémique, l'État devrait mettre en œuvre des moyens hors normes. Le rapport indique que les moyens sont effectivement hors norme, mais dans le mauvais sens…
Au tribunal de Bobigny, les magistrats n'en peuvent plus, beaucoup de dossiers sont classés sans suite. On nous a annoncé qu'un tiers des commissariats seraient prochainement fermés la nuit… pour plus d'efficacité. Défense de rire !
En matière d'éducation, on découvre que, en termes d'heures de cours assurées devant élèves, le mieux doté des collèges de Seine-Saint-Denis est moins bien doté que le moins bien doté des collèges parisiens !
Tout le monde sait cela : il y a eu 2 700 visites ministérielles en Seine-Saint-Denis en dix ans, soit une par jour ! Qui peut prétendre ignorer ces réalités ?
Certes, la situation ne date pas d'hier. Mais qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre d'État, pour donner un peu de sens à la notion d'égalité républicaine dans ce département ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Dallier, vous évoquez le rapport des députés Cornut-Gentille et Kokouendo sur les missions régaliennes de l'État en Seine-Saint-Denis. Puis-je vous dire que je partage votre constat et vos interrogations ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Oui, ce département rencontre beaucoup de problèmes : 39 % de sa population réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, il concentre 18 % du trafic de stupéfiants en France.
Mme Éliane Assassi. Il y a des réussites aussi !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. C'est aussi un territoire qui sait faire preuve de dynamisme ; il faut pouvoir s'appuyer sur ses forces positives pour le remettre sur pied.
Vous posez la question des moyens de l'État.
Dans le domaine de l'éducation nationale, le département bénéficiera à la rentrée prochaine de 466 postes supplémentaires pour le seul premier degré et du dédoublement des classes.
Ma collègue garde des sceaux est également pleinement mobilisée pour améliorer la situation au tribunal de grande instance de Bobigny : elle s'est engagée à pourvoir l'ensemble des postes de magistrat et de fonctionnaire dès septembre 2018 et à affecter un certain nombre de magistrats en surnombre.
M. David Assouline. Combien ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Nous connaissons aussi la situation immobilière de ce tribunal ; nous allons nous attacher à l'améliorer.
Quant aux forces de sécurité, alors qu'elles avaient diminué entre 2010 et 2014, elles sont aujourd'hui au plus haut, et nous avons choisi un premier quartier de conquête républicaine. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler entre nous : peut-être faut-il, concernant la région d'Île-de-France, en particulier la première couronne, engager un certain nombre de réformes de structures.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. Philippe Pemezec. Ce n'est pas un problème de structures !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, assez de rapports, assez de visites ministérielles ; des actes !
Le 22 mai dernier, beaucoup d'élus de Seine-Saint-Denis et d'ailleurs en banlieue se sont sentis méprisés par le Président de la République, dont certains propos pointaient les élus locaux de banlieue, les écartant d'un revers de main, comme Jean-Louis Borloo.
Quand la politique de droit commun n'est pas au niveau, comment voulez-vous que la politique de la ville donne des résultats, monsieur le ministre ? Nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone, nous ne sommes pas là pour être visités ! Nous voulons des actes, nous y avons droit, comme partout en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
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