M. Jacques Bigot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, l'Aquarius, bateau affrété par SOS Méditerranée, a recueilli le 9 juin 629 personnes, dont 123 enfants mineurs isolés et 7 femmes enceintes, qui se trouvaient sur plusieurs embarcations de fortune, au péril de leur vie.
Selon des règles internationales – vous le rappellerez sans doute ainsi que vous l'avez fait à l'Assemblée nationale, monsieur le Premier ministre –, ce navire aurait dû être accueilli par l'Italie. Or les autorités de ce pays, on le sait, ont adopté une position politique forte, affirmant qu'elles ne veulent plus accueillir tous ces migrants.
L'Espagne s'est déclarée prête à le faire, mais la France, elle, est restée muette,…
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Jacques Bigot. … ce qu'a dénoncé, notamment, Mme Sonia Krimi, une députée de la majorité à laquelle vous dites appartenir.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : la France est-elle prête à respecter son devoir humanitaire, celui que le président de la République avait exprimé avec Mme Merkel, le 23 juin 2017 ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Laurent applaudit également.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jacques Bigot, vous m'interrogez sur la situation des 629 personnes qui se trouvent à bord du navire Aquarius.
Comme vous le soulignez, les règles de la mer auraient dû permettre à ce bateau d'être accueilli dans le port le plus proche, soit à Malte, soit en Italie. Le gouvernement italien n'a pas souhaité le faire. C'est une contradiction au regard des règles internationales et, d'une certaine manière, c'est une rupture par rapport à l'action que menait le précédent ministre de l'intérieur italien, lequel avait réussi à contenir les passeurs envoyant parfois à la mort à travers la Méditerranée des dizaines, voire des centaines, de milliers de migrants.
Nous devons reprendre les règles normales et faire en sorte qu'il y ait cette responsabilité pour les pays qui doivent accueillir.
J'ai parlé ce matin au téléphone avec le ministre de l'intérieur espagnol et je l'ai assuré de la solidarité de la France. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous nous sommes longuement entretenus afin de définir une position commune européenne et nous serons, avec le Président de la République, à Berlin, mardi prochain, pour dire ce que devraient être les règles d'une coopération européenne en matière de migration.
J'ai, par ailleurs, également parlé au téléphone avec le ministre italien de l'intérieur, à qui j'ai rappelé qu'il convenait d'avoir des règles européennes communes et, en particulier, de respecter les accords de coopération qui existent entre la France et l'Italie.
(Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. Jean-Pierre Sueur. Que fait la France ? Que dit-elle ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour la réplique.
M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre d'État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne saurait être satisfaisante. Le Président de la République l'a dit lui-même le 23 juin 2017 : « Nous devons accueillir des réfugiés, c'est notre devoir et notre honneur.
M. Roger Karoutchi. C'est cela, oui !
M. Jacques Bigot. « […] Nous devons ainsi faire preuve de solidarité quand un de nos voisins fait face à des arrivées massives de réfugiés ou de migrants. »
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Jacques Bigot. L'Italie est confrontée à ce phénomène, et on le sait depuis longtemps. L'article 13 du règlement de Dublin oblige censément l'Italie à instruire les demandes d'asile de toutes ces personnes. Le Président de la République lui-même a dit, il y a un an, que nous devions trouver une réponse, mais vous vous évertuez encore à faire appliquer ce règlement de Dublin qui ne tient pas ! Comment bougez-vous en Europe ?
M. le président. Il faut conclure.
M. Jacques Bigot. Que faites-vous pour que les choses bougent en Europe ? Rien ! Nous en reparlerons la semaine prochaine, lors de la discussion de votre projet de loi « asile et immigration »,…
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Jacques Bigot. … lequel ne poursuit qu'un but : laisser les immigrants, les demandeurs d'asile à l'extérieur, au risque qu'ils se noient.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Jacques Bigot. Merci à l'Espagne ! Bravo à la France… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Pierre Laurent et Joël Labbé applaudissent également.)
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