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Anne Chain-Larché
Question d'actualité au gouvernement N° 427 au Secrétariat d'État


Rôle du premier ministre

Question soumise le 11 juillet 2018

Mme Anne Chain-Larché. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Président de la République vient de souffler sa première bougie à la tête de la France. Illusion, communication et contradictions sont notre quotidien depuis un an.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Très bien !

Mme Anne Chain-Larché. Son discours-fleuve devant le Congrès hier, dont la cohérence aura échappé à beaucoup, ressemblait à s'y méprendre au discours d'un chef de parti. Il ressemblait aussi à un discours de politique générale, c'est-à-dire à un discours de chef de Gouvernement,…

M. Charles Revet. Eh oui !

Mme Anne Chain-Larché. … un discours de Premier ministre.

Nous avons entendu, éberlués, sa proposition de modifier la Constitution pour lui permettre, à lui, Président, de participer au débat parlementaire devant le Congrès.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !

Mme Anne Chain-Larché. Nous connaissions déjà la volonté d'omniprésence du Président. Plus grave encore, nous découvrons le peu de considération qu'il porte à l'esprit de la Ve République.

Dans la Ve République fondée sur le bicamérisme, il revient au Premier ministre, c'est-à-dire au chef du Gouvernement, de défendre son action et d'en débattre avec le Parlement.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Anne Chain-Larché. Le Président dit répondre aux injonctions de M. Mélenchon. Voudrait-il la Vle République de M. Mélenchon (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste), celle d'un régime présidentiel où le Premier ministre s'efface doucement pour finir par disparaître ?

Ma question est simple : le Premier ministre souhaite-t-il, tout comme le Président de la République, la disparition de la Ve République et de la fonction qu'il exerce ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadia Sollogoub et Sylvie Vermeillet, ainsi que M. Jean-François Longeot applaudissent également.)

Réponse émise le 11 juillet 2018

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Anne Chain-Larché, l'on fait beaucoup dire à la Constitution, qui, souvent, en réalité, ne dépend que de l'Histoire.

Chacun devrait se souvenir que, au moment de l'écriture de la Ve République, sous la plume de René Capitant, de Michel Debré ou du général de Gaulle, le rapport au Parlement n'allait pas tout à fait dans le sens du contrôle ou du soutien, mais plutôt dans une forme d'hostilité,…

M. Pierre-Yves Collombat. Cela a changé !
(Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … qui a contribué à l'élaboration de cette nouvelle Constitution.

D'ailleurs, cette interdiction posée au Président de la République de venir devant les deux assemblées résulte de l'Histoire. Dans les premières années de la IIIe République (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains),…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n'était pas un régime parlementaire !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … le talent oratoire d'Adolphe Thiers, alors président de l'exécutif et partisan du régime républicain, était tellement redouté que l'assemblée, majoritairement monarchiste, a pris la décision d'interdire au Président de la République de venir siéger dans les deux hémicycles de notre Parlement. (M. Alain Richard opine.) Ce sont ces raisons circonstancielles qui ont produit ce que nous connaissons aujourd'hui.

M. David Assouline. Enfin, c'est la séparation entre les pouvoirs !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Ainsi, quand, en 1975, le Président Valéry Giscard d'Estaing s'est rendu au Sénat pour le centième anniversaire de cette institution, la tribune a été démontée pour « déparlementariser » l'hémicycle afin qu'il puisse s'exprimer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas exiger régulièrement, comme vous le faites dans vos interventions, que le Président de la République descende – et vous convoquez de nombreux termes pour qualifier l'endroit où il serait –, et s'exprime dans le cadre de la modification constitutionnelle, sans pour autant lui donner la faculté de pouvoir écouter et de pouvoir répondre.
(Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. C'est la fin de la Ve République !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. La proposition qu'a faite le Président de la République, dont vous aurez à débattre et sur laquelle vous aurez à vous prononcer,…

M. Marc-Philippe Daubresse. On ne la votera pas, vous pouvez courir !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … c'est tout simplement le fait de pouvoir vous répondre et vous écouter.

Sachez que, en aucun cas, cela ne menace la responsabilité du Premier ministre et du Gouvernement devant vous, eux qui, trois fois par semaine, à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ont l'occasion de vous répondre.

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. En aucun cas, cela ne menace l'équilibre des institutions de la VeRépublique.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Mme Anne Chain-Larché. Nous ne savions pas que le nouveau monde aurait la prétention de réécrire l'Histoire.
(Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Faut-il vous le rappeler, il y a quelques jours seulement, à l'Assemblée nationale, un amendement exactement du même ordre a été repoussé au motif qu'adopter « une telle proposition serait remettre en cause le fait que le Président de la République n'est pas responsable devant le Parlement ».

M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes fiers de notre Ve République. Nous sommes fiers d'une République qui fait preuve d'une incroyable stabilité à un moment où les autres pays européens ne peuvent se vanter du même phénomène.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Anne Chain-Larché. Je dois vous le rappeler : le Premier ministre est responsable devant le Parlement ;…

M. François Grosdidier. Exactement !

Mme Anne Chain-Larché. … le Président de la République est responsable devant le peuple.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. Marc-Philippe Daubresse. On ne votera pas votre projet !

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