M. Rémi Féraud. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne ce qu'on appelle désormais l'affaire Alexandre Benalla.
Nous ne saurions nous contenter des périphrases et des euphémismes auxquels a eu recours le Premier ministre en répondant à l'instant à notre collègue Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous avons besoin d'explications précises et non de propos qui laissent entendre que le Gouvernement se contente de se défausser sur l'enquête judiciaire.
Que faisait ce collaborateur du Président de la République aux côtés des forces de l'ordre, prétendument comme observateur, et accompagné, nous l'avons appris ce matin, d'un salarié de La République En Marche ?
Mme Catherine Troendlé. Bonne question !
M. Rémi Féraud. Qui l'a missionné pour cela ou lui en a donné l'autorisation ? Quelles consignes avaient reçues les policiers par rapport à la présence et aux actes d'Alexandre Benalla ?
Plus largement, y a-t-il eu d'autres faits de même nature depuis un an, lors d'autres manifestations ?
M. Pierre Laurent. Ah…
M. Rémi Féraud. Alors que le Premier ministre nous parlait à l'instant de transparence, pourquoi cette affaire, rendue publique hier par la presse, a-t-elle été dissimulée et qui a pris la décision de l'étouffer ?
M. Rachid Temal. Très bonne question !
M. Rémi Féraud. Qui peut accepter que, malgré des faits aussi graves, M. Benalla continue apparemment de travailler à l'Élysée ?
(Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Bonne question !
M. Rémi Féraud. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de saisine immédiate du procureur de la République, en application de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale, ce qui aurait été le minimum en cette affaire ?
(Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, c'est la loi !
M. Rémi Féraud. Certes, le parquet vient d'ouvrir une enquête préliminaire, mais cela n'aurait pas eu lieu sans les informations du journal Le Monde. Voilà qui est très grave !
Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons donc la vérité sur cette affaire…
M. Roland Courteau. Oui !
M. Rémi Féraud. … et, enfin, une réaction à la mesure de sa gravité.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, comme l'a fait le Premier ministre, je tiens à condamner sans ambiguïté un acte inadmissible, qui, alors même qu'il ne procède pas de l'intervention des forces de l'ordre,…
M. Pierre Laurent. Il avait un brassard !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. … vient nuire à l'image et au professionnalisme de leur action. Les forces de l'ordre se sont en effet attachées, pendant la manifestation du 1er mai, à agir pour limiter tout affrontement et toute atteinte aux biens et aux personnes. C'est là une consigne que je leur ai personnellement donnée. Cela rend donc plus condamnable le fait que des personnes aient pu agir dans le cadre que nous avons vu. Comme l'a indiqué le Premier ministre, il appartient à la justice d'établir les faits.
Je veux souligner que ces deux personnes n'avaient évidemment aucune légitimité pour intervenir. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Elles avaient été autorisées par la préfecture de police de Paris…
M. Philippe Dominati. Ah !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. … à assister en tant qu'observateurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) – et observateurs seulement – au déroulement d'un service de maintien de l'ordre d'une manifestation. C'est là une pratique régulière, qui trouve sa justification dans une logique de transparence et d'ouverture de l'institution policière. Elle est régulièrement utilisée pour des magistrats, des journalistes ou des chercheurs.
Mme Éliane Assassi. Ils n'ont pas de brassards de police !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. J'ai demandé à l'Inspection générale de la police nationale de préciser quelles sont les règles pour l'accueil et l'encadrement de ces observateurs (Les sénateurs du groupe socialiste et républicain ainsi que plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains martèlent leur pupitre.)…
M. Rachid Temal. De la transparence !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. … et, s'il en existe, de vérifier dans ce cas précis qu'elles ont été mises en œuvre.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Rachid Temal. Transparence ! Transparence !
M. Vincent Éblé. Et l'article 40 ?
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre d'État, vous n'avez pas répondu aux questions que j'ai posées.
En la circonstance, l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale aurait dû s'appliquer. Votre réaction n'est pas à la hauteur de la gravité des faits.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Rachid Temal. Bravo !
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