Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre des négociations sur le Brexit, la Commission européenne a choisi, par une décision autoritaire et technocratique, de redessiner les routes maritimes européennes. Si l'objectif est d'éviter l'isolement de l'Irlande en créant de nouveaux corridors, la solution retenue au cœur de l'été exclut les ports français de la façade nord, du Havre à Dunkerque.
Nos ports faisaient déjà face à la « concurrence libre et non faussée » des ports belges et néerlandais, en particulier Anvers et Rotterdam, dont les moyens ne sont pas les mêmes – 900 millions d'euros de fonds européens pour Rotterdam contre 174 millions d'euros pour tous les ports français.
Maintenant, la Commission change les règles, en bafouant elle-même le sacro-saint principe du libéralisme, en discriminant la France. Comme mes collègues de Seine-Maritime ou du Nord, je suis indignée par cette décision, qui aura évidemment des conséquences directes sur le port de Calais, pour lequel le commerce transmanche représente une part non négligeable du trafic.
Nos ports, malgré les désengagements successifs de l'État, ont lancé toute une série d'investissements, 600 millions d'euros pour le seul port de Calais, visant également à la modernisation de leurs équipements, qu'il s'agisse du Havre ou de l'extension en cours du port de Dunkerque.
Quel message pour les investisseurs, les salariés, les dockers et les industries ! Comment, madame la ministre, une telle décision a-t-elle pu être prise sans l'aval de la France et de son gouvernement ? Où en êtes-vous dans vos échanges avec la Commission ? Comptez-vous regarder passer les navires ou réagir ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Maryvonne Blondin et Martine Filleul applaudissent également.)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je vous rassure, le Gouvernement ne regarde pas passer les navires, il agit ! Je le répète, cette proposition de la Commission européenne n'était pas acceptable – j'ai eu l'occasion de le dire à la commissaire lors de ma rencontre le 18 septembre dernier –, d'autant qu'elle fait fi de la réalité des trafics actuels, puisque la majorité des flux de marchandises entre l'Irlande et le continent passe aujourd'hui par le Royaume-Uni. L'analyse de la Commission fondée sur les échanges maritimes entre l'Irlande et la France ne peut donc pas préjuger les futurs échanges maritimes entre l'Irlande et le continent.
J'ai donc défendu l'inscription de l'ensemble des ports concernés lors de ma rencontre avec la commissaire. Il en ressort d'ores et déjà que les ports qui figuraient dans le corridor mer du Nord-Méditerranée y resteront. Je le redis, les ports français doivent avoir toute leur place dans les nouvelles routes maritimes à l'issue du Brexit. C'est non seulement une évidence, mais une conviction forte du Gouvernement. Il s'agit de permettre à nos ports de tirer parti de tous leurs atouts. Nous allons nommer prochainement un coordinateur interministériel pour le Brexit qui pourra mener ce travail, en étroite liaison avec chaque port et les collectivités concernées.
Nos ports disposent d'atouts essentiels pour ces échanges avec l'Irlande. Le port de Calais, comme vous l'avez rappelé, joue un rôle majeur dans les échanges entre le Royaume-Uni, la France et l'Europe. En termes de temps de parcours, il faut vingt heures pour assurer la liaison entre Dublin et Cherbourg, contre trente-huit heures pour rallier Zeebruges. L'enjeu est donc clair : faire en sorte que l'ensemble des ports de la façade maritime soit bien intégré dans ces futurs échanges ; je pense à Calais, à Dunkerque ou au Havre, aux ports de l'axe Seine, mais aussi à Cherbourg, ainsi qu'aux ports bretons de Brest et Roscoff.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique, en quelques secondes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, je vous ai bien entendue. Je vous ai écrit le 13 septembre 2018 à ce sujet, en vous proposant un plan B : un accord bilatéral franco-britannique pour préserver le hub logistique exceptionnel du Calaisis. J'attends encore votre réponse à mon courrier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
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