M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s'adressait à M. le ministre chargé de la ville et du logement, mais je comprends qu'il soit retenu ailleurs. J'espère néanmoins que celui qui me répondra connaît le dossier !
Monsieur le ministre, voilà un an, je vous interpellais sur les risques majeurs que les décisions fiscales et financières prises dans la loi de finances de 2018 faisaient courir à la politique du logement, ainsi qu'au secteur du bâtiment et des travaux publics dans notre pays. Nous souhaitons, comme vous, qu'on puisse « construire vite, mieux et moins cher », pour reprendre le slogan utilisé pour défendre la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN. Le président Larcher et de nombreux parlementaires de toutes tendances vous ont d'ailleurs accompagné dans cette mission, en vous mettant toutefois en garde contre l'incohérence entre vos objectifs et les mesures de la loi de finances de 2018.
Un an après, les chiffres des neuf premiers mois de l'année viennent de tomber. Tous les experts – je dis bien : tous les experts ! – sont d'accord pour dire que la construction neuve va connaître une récession grave dans les zones urbaines et très grave dans les campagnes et dans les villes moyennes.
La situation est si grave que le P-DG de Nexity a publié une lettre ouverte au Président de la République dans les journaux et que le président de la Fédération du bâtiment vient de déclarer qu'on allait tout droit vers une crise. Il annonce la perte probable de 200 000 emplois dans le bâtiment à l'horizon de 2020.
En matière d'accession à la propriété, nous constatons non plus un choc de l'offre, mais un choc sur l'offre, car il n'y a plus de capacité d'emprunt remboursable, parce que le pouvoir d'achat est en berne, parce que vous en ajoutez une louche avec les mesures sur le diesel et parce que vous instaurez une taxe sur les taxes pour les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, source de difficultés supplémentaires pour eux, notamment pour les PME.
La situation est plus grave encore dans le secteur du logement locatif social. On a en effet constaté 50 % d'agréments en moins l'an dernier qu'en 2015. Or ces agréments sont les permis de construire de demain et les constructions d'après-demain.
Bref, tous les clignotants sont au rouge.
Ma question est très simple, monsieur le ministre : en 2017, la politique du logement coûtait certes cher, mais elle rapportait davantage. Pour faire baisser le prix du logement et relancer la demande, allez-vous inverser vos mesures fiscales afin de ne pas nous faire perdre, comme en 2014, un demi-point de croissance et de ne pas nous conduire tout droit dans le mur l'année prochaine et l'année suivante ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Daubresse, vous l'avez constaté, Julien Denormandie est absent aujourd'hui. Sans être un spécialiste du sujet, je suis en mesure de répondre à votre question. Je vous remercie de le comprendre.
Les chiffres que vous avez cités sont exacts. Tout le monde le reconnaît, l'année 2016 a été une année exceptionnelle en termes de constructions de logements. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Philippe Dallier s'exclame.) Vous avez raison, c'est un élément positif de votre bilan !
(Exclamations amusées sur les mêmes travées. – M. Philippe Dallier proteste.)
Je ne voudrais pas vous laisser débattre entre vous. Aussi vais-je vous apporter quelques éléments de réponse.
Contrairement à ce que vous dites, nous avons tout de même pris des mesures de soutien à la construction. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le prêt à taux zéro a été reconduit pour quatre ans, tout comme le dispositif Pinel. Les opérateurs n'avaient jamais eu une telle visibilité.
Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur Daubresse, la loi ÉLAN, à laquelle le Sénat a beaucoup contribué, vise à conduire une politique beaucoup plus structurelle du logement. Je rappelle les mesures que vous avez votées, la commission mixte paritaire ayant été conclusive : l'allégement des normes pour réduire les coûts de construction, la mobilisation du foncier, la rénovation thermique des bâtiments à hauteur de 9 milliards d'euros, la rénovation de 500 000 logements, l'abaissement du coût de la construction grâce au digital, le développement d'un certain nombre de filières ; je pense à la filière du bois et de la construction de bâtiments préfabriqués ou pré-assemblés. Enfin, la dynamique des projets de territoire permettra de mener une politique du logement, comme les projets Cœur de ville, les projets partenariaux et les grandes opérations d'urbanisme, l'État étant un facilitateur pour l'ensemble de ces projets.
Mme Sophie Primas. Tout va bien, donc !
M. Marc Fesneau, ministre. Non, tout ne va pas bien, madame la sénatrice, mais notre objectif est que, grâce à la loi ÉLAN, tout aille mieux. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Laissons le temps à ces réformes structurelles de porter leurs fruits. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
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