M. Victorin Lurel. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer. J'aimerais m'associer aux questions posées par nos collègues de l'île de la Réunion. Il faut effectivement rester attentif à la situation explosive que vit l'île, qui est, au moment où nous parlons, sous le régime d'un couvre-feu.
J'exhorte le Gouvernement, au-delà de la nécessité du maintien de l'ordre, à ne pas prioriser la seule réponse répressive et donc à engager un dialogue. J'ai entendu notre collègue Michel Dennemont dire que le représentant de l'État n'a pas voulu recevoir les manifestants ou les collectifs. Connaissant la conflictualité sociale de nos îles, il faut absolument prioriser le dialogue. C'est un vœu que nous émettons, le groupe socialiste et républicain et moi-même.
Ma question est simple : alors que nous nous apprêtons à voter trente-huit articles en première partie de la loi de finances pour 2019, Mme la ministre des outre-mer peut-elle nous indiquer les mesures qu'elle estime positives en faveur des outre-mer et leurs effets cumulés ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Stéphane Artano et Jean-Louis Lagourgue applaudissent également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Victorin Lurel, 300 millions d'euros, telle est ma réponse et celle que pourrait vous apporter Mme Annick Girardin. Ce sont, à périmètre constant, les crédits supplémentaires dont vont bénéficier tous les territoires d'outre-mer pour l'année 2019, avec une volonté du Gouvernement de réorienter ces crédits d'abord vers l'activité économique et les entreprises, pour créer de l'emploi et répondre au chômage de masse, dont vous conviendrez qu'il est aujourd'hui la première faiblesse et le premier drame des territoires d'outre-mer.
Par ailleurs, les territoires d'outre-mer bénéficieront, comme tous les autres territoires français, de la suppression de la taxe d'habitation, des mesures qui sont prises pour soutenir l'emploi et ceux qui travaillent.
De manière plus générale, monsieur Lurel, vous avez écrit un ouvrage remarquable, et j'invite chacun à le lire, une Lettre ouverte à mes compatriotes de l'Hexagone, dans laquelle vous pointez un certain nombre de contradictions entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer.
Eh bien, moi, je voudrais pointer une contradiction française, qui est celle de vouloir à la fois réduire les impôts et demander toujours plus de dépenses publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Franck Menonville applaudit également.) Cette contradiction ne peut être résolue qu'avec la politique dans laquelle nous sommes engagés avec le Président de la République et le Premier ministre.
Si nous voulons baisser les impôts, il faut soutenir la croissance et réduire la dépense publique. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.) Soutenir la croissance, c'est ce que nous faisons avec une fiscalité favorable aux entreprises, à l'investissement, à l'innovation, qui nous permet de baisser le chômage de 0,5 point depuis un an, et c'est soutenir le travail en le rémunérant mieux : tous les salariés français ont vu au 1er novembre que leur salaire net avait augmenté.
(Mêmes mouvements.)
Et réduire la dépense publique, c'est avoir le courage de voter des décisions difficiles sur les emplois aidés, les chambres de commerce et d'industrie, l'audiovisuel public, pour parvenir à réduire la dépense, diminuer la dette et poursuivre la baisse des impôts. Nous tiendrons le cap de un point d'imposition en moins et de prélèvements obligatoires en moins pour l'ensemble des Français.
(Mêmes mouvements.)
Dans ces temps agités, plus que jamais nous avons besoin de voir loin, de garder un cap avec constance et détermination. (Protestations de plus en plus vives sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains, dont plusieurs membres frappent sur leur pupitre jusqu'à couvrir la voix de l'orateur.) C'est en soutenant la croissance, les entreprises, la création d'emplois et en tenant le cap de la réduction de la dépense et de la dette que nous redresserons la France, pas avec des mesures de court terme, pas avec plus de dépenses et plus de dettes !
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour la réplique.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je vous félicite de vos bonnes lectures et vous engage à poursuivre jusqu'au bout ce qui est écrit dans ce livre et dans un rapport qui a été remis, à l'époque, au Premier ministre.
Tel Diogène qui cherche un homme une lanterne allumée sur la place en plein midi, je cherche les 300 millions d'euros, je l'avoue ! Le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à octroyer, après analyse, 4,5 milliards d'euros aux outre-mer pour corriger le mal-développement, dont un milliard pour la Guyane, dans une lettre que tous les électeurs ont reçue, et à raison de sa population 4 % du Grand plan d'investissement.
Dans les quatre ans qui restent, vous allez prendre à peu près un milliard d'euros, en faisant fi d'une notion constitutionnelle qui est l'adaptation, où la solidarité nationale ne jouera plus et où l'outre-mer financera l'outre-mer. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Qu'il faille absolument faire des efforts pour autofinancer notre propre développement, voire l'auto-entretenir, j'en conviens, mais vous avez une conception dévoyée du développement endogène. C'est la raison pour laquelle, dans la première partie de la loi de finances, je n'ai lu strictement que des « moins ».
Je vous exhorte, avec la culture qui est celle du Sénat, à avoir le sens du dialogue, à trouver les compromis raisonnables que nous ne manquerons pas de vous proposer et qui, je l'espère, auront l'agrément de tous les groupes de cette assemblée. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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