Mme Patricia Morhet-Richaud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le coût réel de la prédation en France. En effet, face à la recrudescence d'attaques de grands prédateurs, différents plans ont été mis en œuvre par les pouvoirs publics pour faire cohabiter le loup, l'ours, le lynx avec les animaux d'élevage.
Ces dispositions ont été prises au détriment du pastoralisme, malgré une forte mobilisation des territoires touchés et différentes actions menées par les élus locaux et nationaux.
Dans ce contexte, elle souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le coût réel de la politique nationale conduite en faveur des espèces protégées. En effet, il n'est pas nécessaire de commenter davantage les 26,3 millions d'euros mobilisés en 2017 dans le cadre des indemnités et des mesures de protection et qui parlent d'eux-mêmes, conformément au barème établi en vue de compenser les pertes directes.
Elle souhaite connaitre, au-delà du volet agricole proprement dit, le coût réel de la prédation en France.
C'est-à-dire, pour l'élevage, une évaluation des pertes indirectes ; pour les animaux : le stress, la perte de lait, une qualité de viande moindre, les avortements ; pour les éleveurs : l'angoisse, la maladie, le suicide ; pour les bergers : le temps perdu à compter les cadavres ou rassembler les troupeaux en perdition après une attaque,
Concernant l'administration de l'État, elle lui demande quel coût financier représentent pour la collectivité un préfet coordonnateur et son équipe, et si ont été comptabilisées les heures des préfets dans les départements visés et celles des collaborateurs au sein des directions départementales des territoires.
Pour les collectivités locales, elle s'interroge sur le coût lié demain à l'entretien des chemins ou des pistes de ski par exemple.
Elle lui demande par conséquent si une évaluation financière précise des coûts réels induits par la prédation en France peut être réalisée.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Devant la recrudescence d'attaques de grands prédateurs, tels que le loup, l'ours et le lynx, différents plans ont été mis en œuvre depuis plusieurs décennies pour créer les conditions d'une cohabitation avec l'élevage.
Des mesures de protection des troupeaux ont été prises au détriment du pastoralisme, mais elles sont inadaptées si l'on en juge par la recrudescence d'attaques et le nombre d'animaux victimes. Je rappelle d'ailleurs que le plan national d'action 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage est loin de répondre aux besoins des territoires et aux attentes de la profession agricole.
C'est pourquoi je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le coût réel de la politique actuellement menée en faveur des espèces protégées. Je ne parle pas des 30 millions d'euros consacrés aux indemnités et aux mesures de protection visant à compenser les pertes directes, dont vous êtes comptable avec votre collègue le ministre de la transition écologique et solidaire : je souhaite connaître le coût réel de la prédation, lié, pour les éleveurs, au stress, au manque de sommeil qui conduit à la maladie, voire au suicide, pour les bergers, au temps passé à compter les cadavres ou à rassembler les troupeaux en perdition après une attaque, pour les animaux, à la perte de lait, aux avortements, aux blessures, à la dégradation de la qualité de la viande, pour l'administration d'État, à la mobilisation d'un préfet coordonnateur et de son équipe, aux heures de travail des préfets et à celles des collaborateurs des directions départementales des territoires, pour les collectivités locales, à l'entretien des sentiers, des espaces et des pistes de ski, par exemple.
Monsieur le ministre, dans la mesure où la prédation en France a de nombreuses répercussions financières, et ne touche pas uniquement le monde agricole et l'environnement, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si une évaluation des coûts qu'elle induit a été réalisée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, je connais votre engagement en faveur du pastoralisme et de la recherche d'une solution concernant le loup, dans votre département comme à l'échelle nationale.
Le plan Loup pour la période 2013-2017 a mobilisé un budget de plus de 100 millions d'euros, dont 87 millions d'euros pour les mesures de protection des troupeaux, 14 millions d'euros pour l'indemnisation des dommages, 740 000 euros pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et 518 000 euros pour la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L'augmentation annuelle du coût global des mesures de protection est de l'ordre de 5 % à 15 %. Le coût de ces mesures est supporté à hauteur de plus de 50 % par les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural.
Au-delà de ces éléments techniques, les plans Loup successifs ont porté leurs fruits. Le dernier autorise le prélèvement d'une cinquantaine de loups, soit 10 % de la population présente en France, mais il faut aller plus loin. Nous savons que la cohabitation entre le prédateur et l'éleveur est difficile. On ne peut pas mettre des barrières partout, les patous attaquent parfois les promeneurs. De plan Loup en plan Loup, les choses avancent, mais rien n'est réellement réglé.
C'est la raison pour laquelle, dans les semaines qui viennent, je vais lancer le débat sur la prédation et le loup à l'échelon européen. Il faut revoir la directive Habitat, déterminer si le loup est une espèce en voie de disparition ou non. Plus de 500 loups sont aujourd'hui présents dans notre pays. Mon ministère et le Gouvernement défendent la biodiversité. Il est normal qu'il y ait des loups, il n'est pas question de les éradiquer. En revanche, il faut faire baisser la pression sur les éleveurs, qui aujourd'hui vivent dans des conditions terribles de stress et d'angoisse. Je vais m'employer à trouver une solution.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique. Vous disposez de trente-deux secondes, ma chère collègue.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse de bon sens. C'est un signal qui sera entendu. Ce que je dénonce, vous l'avez compris, c'est l'importance des sommes qui sont englouties sans que, à aucun moment, l'on s'interroge sur l'efficacité des actions menées, tandis que, par ailleurs, les territoires et les communes sont exsangues.
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