Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, les géants du numérique, les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft -, paient des impôts dérisoires dans notre pays. Depuis plusieurs années, lors des débats budgétaires, notre groupe dépose des amendements visant à mettre un terme à cette injustice et à ce manque à gagner. Le Sénat, par-delà la diversité de ses sensibilités politiques, les a à plusieurs reprises votés, récemment encore lors de l'élaboration de la dernière loi de finances.
Le Gouvernement les a rejetés, au motif que l'on ne pourrait agir qu'au niveau européen, voire à celui de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE. Certes, mener une action à l'échelon international est indispensable, mais cela n'empêche pas la France d'agir en précurseur, de façon unilatérale.
Sous la pression de l'opinion, vous en convenez désormais et promettez de taxer les GAFAM. Que de temps et d'argent perdus ! Cependant, cette taxation ne doit pas être symbolique.
D'abord, le cadre doit être durable. Ces entreprises doivent être taxées comme toutes celles qui sont installées sur notre territoire. Proposerez-vous, comme le Sénat, que les géants du numérique soient considérés comme des établissements implantés de manière stable en France dès lors que leur chiffre d'affaires dans notre pays dépasse un certain seuil ? Vous ferez-vous le relais de cette exigence à l'OCDE ?
Ensuite, les discussions européennes portent sur la création d'une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires. Cependant, sous la pression de l'Allemagne, la base prise en compte pour la détermination du chiffre d'affaires a fondu comme neige au soleil. Initialement, la France pouvait escompter 1 milliard d'euros de recettes en rythme de croisière. Avec l'accord franco-allemand que vous avez approuvé, ces recettes ne seraient plus que de 400 millions d'euros, ce qui, vous en conviendrez, est assez dérisoire au regard des profits réalisés par ces entreprises. Proposerez-vous de retenir une base large de taxation, permettant de dégager une recette d'environ 1 milliard d'euros pour notre pays ? Nous sommes inquiets, car les informations diffusées par la presse n'ont pas l'air d'aller dans ce sens. Il y va de la justice fiscale entre citoyens et entreprises, entre PME qui payent beaucoup et multinationales qui payent peu ; il y va des moyens dont la France a besoin.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est urgent que les GAFAM payent leur dû !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice Lienemann, pour une fois, je suis d'accord avec vous. (Exclamations amusées.) Il est indispensable de taxer sans délai les géants du numérique. C'est une question de justice : personne ne peut accepter que ces multinationales, qui font les profits les plus élevés, payent quatorze points d'impôt de moins que n'importe quelle PME de France ou d'Europe.
M. Bruno Sido. C'est exact !
M. Bruno Le Maire, ministre. C'est aussi une question d'efficacité : si nous voulons, demain, pouvoir financer nos services publics, nos crèches, nos hôpitaux, nos écoles, il faut aller chercher l'argent là où il se trouve ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) C'est ce que nous allons faire !
À la demande du Premier ministre, nous déposerons dans les prochains jours un projet de loi sur la taxation des géants du numérique. Cette taxation nationale des géants du numérique touchera toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires numérique est supérieur à 750 millions d'euros et le chiffre d'affaires national supérieur à 25 millions d'euros. La taxation sera progressive, pour que les petits payent moins que les gros ! Le rapport de cette taxe sera d'environ 500 millions d'euros chaque année.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n'est pas assez !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour autant, je ne renonce pas à obtenir l'accord des 27 États membres de l'Union européenne pour instaurer une taxation européenne des géants du numérique. Il serait tout de même préférable, plutôt que d'avoir des taxes française, italienne, espagnole et britannique, que l'Europe ait enfin le courage d'assumer ses positions,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. … de défendre ses intérêts économiques et de taxer de manière souveraine les géants du numérique dans le monde !
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous nous battrons jusqu'au bout, et j'espère qu'avec votre soutien, madame Lienemann, y compris au niveau européen, nous aurons gain de cause, pour la justice et l'efficacité du système fiscal du XXIe siècle. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
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