M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, un référendum le jour des élections européennes… Les pauvres, elles n'avaient rien demandé ! (Sourires.) Pour répondre à des manifestants d'hier et d'aujourd'hui qui dénoncent trop d'impôts, trop de taxes, pas assez de pouvoir d'achat, une dépense publique à revoir, trop de contraintes réglementaires, on envisage un référendum sur le Parlement : trop de députés, trop de sénateurs, trop de mandats,…
M. Albéric de Montgolfier. Trop de ministres !
M. Roger Karoutchi. … ce qui n'est pas exactement, c'est peu de le dire, une réponse sociale, économique aux demandes de la population !
Monsieur le Premier ministre, je sais que vous êtes un homme de raison : ces fake news doivent-elles être démenties ou est-ce une vraie piste du Gouvernement ? Vers quoi se dirige-t-on pour sortir du grand débat ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Aux abris !
M. François Patriat. C'est très élégant…
M. le président. Seule Mme le garde des sceaux a la parole !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Karoutchi, depuis quelques jours, effectivement, est évoquée dans la presse l'idée d'un référendum qui pourrait être organisé au printemps pour tirer les conclusions du grand débat national que le Président de la République a lancé.
La question que vous posez me semble parfaitement légitime puisque la Constitution, vous le savez, prévoit en son article 11 la possibilité que le Président de la République soumette au référendum un certain nombre de projets de loi.
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas n'importe comment !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette procédure a été utilisée huit fois depuis 1958 pour trancher des questions importantes sur l'avenir du pays.
Le grand débat national tel qu'il a été voulu par le Président de la République permet à nos concitoyens de débattre de questions importantes pour leur avenir ayant trait à la fiscalité, à l'organisation de l'État, à la démocratie et à la citoyenneté ou à la transition écologique. Au moment où nous parlons, monsieur le sénateur, plus de 4 000 réunions ont déjà eu lieu, plus de 700 000 contributions ont été déposées sur le site. (Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne comprends pas pourquoi vous sifflez, ce sont des chiffres réels, c'est tout !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je crois donc, monsieur le sénateur, qu'il convient de laisser ces débats se dérouler. Vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement sont à l'écoute des Français. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Mais oui ! J'ai moi-même eu l'occasion de me rendre dans une petite commune du Tarn, à Giroussens, où les gens se respectaient et évoquaient, dans le calme et la fermeté, ce qui traçait, pour eux, les lignes directrices de leur avenir.
Une fois ce grand débat achevé, il faudra en tirer les conséquences, cela a été clairement dit, de manière précise et concrète. Il appartiendra alors au chef de l'État et au chef du Gouvernement de faire les choix qui s'imposeront.
Monsieur le ministre Karoutchi, je connais trop votre engagement gaulliste et votre attachement aux institutions de la Ve République…
M. le président. Il faut conclure, madame le garde des sceaux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … pour croire que le recours à un référendum serait pour vous critiquable en soi.
(Sourires.)
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En tout cas, au moment où nous parlons, cette question n'est pas à l'ordre du jour.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Je vous rassure, madame la ministre, je n'ai aucune appréhension par rapport à un référendum. Je pense que le Président de la République en aurait davantage.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça c'est sûr !
M. Roger Karoutchi. Mais là n'est pas le sujet.
M. Pierre-Yves Collombat. Si !
M. Roger Karoutchi. Le sujet, madame la ministre, monsieur le Premier ministre, c'est que les Français ont le droit de connaître l'issue de ce grand débat.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Marc Todeschini. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Si vous voulez mener une réforme constitutionnelle, pas juste bricoler avec l'article 11, mais réaliser une vraie réforme, une vraie République transformée en utilisant l'article 89, n'hésitez pas, il y a un Parlement pour cela !
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Vous savez, la démocratie représentative, cela peut compter ! Je veux bien tous les grands débats, mais j'ai entendu le Président de la République dire que, ce qui compte, c'est tout de même ceux qui ont été élus. Monsieur le Premier ministre, 348 sénateurs, 577 députés, 925 parlementaires, 925 citoyens : rien. Mais 348 sénateurs, 577 députés, 925 parlementaires élus de manière directe ou indirecte : c'est la France ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
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