M. Olivier Léonhardt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Lundi 11 février, les arbres plantés à Sainte-Geneviève-des-Bois à la mémoire d'Ilan Halimi ont été coupés, profanés. J'étais maire de cette commune en 2006 quand Ilan a été retrouvé agonisant, le long de cette voie ferrée, après vingt-quatre jours de terribles tortures.
Enlevé, frappé, brûlé, torturé, Ilan est mort simplement parce qu'il était juif. Personne ne pouvait plus ignorer qu'on pouvait de nouveau s'en prendre à un juif en France en pensant s'en prendre à une famille, à une communauté privilégiée, qui n'aurait aucun mal à payer une forte somme d'argent pour obtenir sa libération.
L'assassinat d'Ilan avait malheureusement un caractère annonciateur. Car, il faut le dire, depuis ce 13 février 2006, mourir en France parce qu'on est juif n'est malheureusement plus si exceptionnel que cela. Il faut le dire aussi, les condamnations de principe ne sont plus suffisantes, les cérémonies commémoratives et les minutes de silence ne peuvent plus être les seules réponses à l'intolérable.
Alors, je sais que vous allez me dire, à raison, que beaucoup de choses sont initiées pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme. J'étais d'ailleurs avec vous, monsieur le Premier ministre, à Matignon, mardi, pour la remise du prix Ilan Halimi à des jeunes engagés contre ce fléau.
Je sais que vous allez me dire, à raison, que des actions sont engagées pour la formation des personnels, des enseignants, des policiers, des magistrats.
Je sais que vous allez me dire, à raison, qu'il faut adapter la loi pour agir plus sévèrement face aux messages haineux sur les réseaux sociaux.
Mais, monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l'enjeu de la fraternité dans notre pays mérite une action encore plus résolue, des actions encore plus rapides et encore plus fortes ?
Nous savons le rôle de l'éducation pour répondre à ce défi et nous savons aussi qu'aujourd'hui, en 2019, des projets pédagogiques, associatifs ou institutionnels auprès de la jeunesse ne sont pas menés, faute de moyens. Ne pensez-vous pas que la gravité de la situation impose que notre pays consacre plus que 6 millions d'euros par an à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui dispose des seuls crédits…
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Léonhardt. … dédiés strictement à cet enjeu vital pour l'avenir de notre République ?
(Applaudissements.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, lundi dernier, les arbres plantés à la mémoire d'Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois ont été profanés, coupés, ce qui a donné lieu à une immense émotion partout en France, une émotion sans doute encore plus forte chez tous ceux qui étaient présents au moment du drame – vous en étiez puisque, comme vous l'avez dit, vous étiez maire au moment des faits.
Je veux commencer par dire que je comprends parfaitement l'émotion que vous éprouvez depuis lundi et que vous avez exprimée dans votre question.
Mardi – la date avait été fixée depuis longtemps –, il nous appartenait de remettre, pour la première fois, le prix Ilan Halimi. Nous reprenions en cela une initiative lancée par le conseil général de l'Essonne et portée par son président, Jérôme Guedj, pour récompenser des projets pédagogiques organisés dans les collèges ou lycées destinés à faire comprendre la réalité de l'antisémitisme et à offrir un certain nombre d'instruments pour lutter contre ce fléau.
J'ai eu l'occasion de le dire – vous vous en souvenez peut-être – face à tous ces coups terribles que nous prenons, face à tous ces actes antisémites, face non pas au découragement mais à la menace de lassitude qui gagne parfois, ces initiatives qui mobilisent les jeunes et portées, ici, par une scène nationale, là, par un collège ou par une association, sont aussi des messages d'espoir.
Je crois que nous pourrons nous retrouver sur le fait que les quatre projets qui ont reçu un prix, projets retenus parmi la centaine de ceux qui avaient été réceptionnés, étaient absolument remarquables.
Oui, il faut former ! Oui, il faut éduquer ! Oui, il faut dénoncer ! Oui, il ne faut jamais renoncer ! Mais c'est un combat long, je le sais.
Les phrases que je prononce ont été dites avant moi, peut-être avec plus de talent mais pas avec moins de détermination, par des Premiers ministres qui se sont pleinement engagés dans la lutte contre l'antisémitisme.
Monsieur le sénateur, ce combat est un art d'exécution, c'est aussi un art de détermination. Il doit être mené de façon systématique. J'ai insisté sur le soutien que nous devons apporter à ceux qui proposent l'éducation dans nos écoles, collèges et lycées. Nous avons ainsi apporté un soutien matériel aux équipes de laïcité qui viennent épauler les personnes qui constatent de tels actes. Des personnes qui, malgré leur bonne foi et leur détermination, ne savent pas toujours y répondre. Nous devons continuer de les aider et les accompagner.
Est-ce suffisant ? Cela ne sera sans doute jamais suffisant pour mener ce combat difficile qui m'apparaît malheureusement éternel.
Monsieur le sénateur, si vous avez des pistes – vous en avez tracé quelques-unes – pour nous donner de nouveaux instruments dans ce combat, alors, je suis tout à fait prêt à en discuter avec vous, car nous avons besoin de l'engagement et de l'intelligence de chacun pour gagner ce combat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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