M. Jean-Pierre Decool. À titre liminaire, je tiens à préciser qu'il n'y a ni provocation ni perfidie dans ma question. Un simple coup de téléphone informel aurait peut-être suffi. Si je la pose officiellement, c'est parce qu'elle est, me semble-t-il, révélatrice d'un malaise.
À tort ou à raison, la psychologie collective française veut condamner la classe politique, réduite à son impuissance.
Emmanuel Macron a lancé des pistes de réflexion sur les réformes constitutionnelles. Je veux rebondir sur l'une d'entre elles : l'amélioration de la qualité de la loi. La nécessité de simplifier la procédure parlementaire et d'accélérer le temps législatif a en effet été évoquée.
Le temps démocratique est légitimement long, mais parfois trop long à l'heure du numérique. Certes, nous sommes réticents lorsqu'il s'agit de toucher à nos droits parlementaires. Néanmoins, à l'instar d'autres pays, le Sénat a déjà expérimenté des procédures d'adoption simplifiées.
Tancés pour notre lenteur, permettez-nous, monsieur le ministre, à notre tour, de vous tancer sur la vôtre, celle de l'exécutif.
Le Sénat a examiné et adopté, le 13 juin 2018, une proposition de loi relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. Cette loi a été adoptée définitivement, le 30 juillet dernier, par l'Assemblée nationale. La procédure a donc été rondement menée.
Des décrets d'application sont prévus, après avis de la CNIL et du Conseil d'État. Nous sommes le 14 février 2019 ! Déjà sept mois d'attente, et les caméras sont toujours sagement rangées dans les tiroirs !
Monsieur le ministre, par votre action, ce dispositif des caméras-piétons a démontré son efficacité. À l'heure où les violences s'inscrivent désormais dans le rituel du samedi, pourriez-vous réfléchir également à accélérer le temps réglementaire ? Je ne mets pas en cause la qualité du travail fourni par vos services, mais je veux dénoncer ce décalage, incompris par l'opinion publique, entre la décision politique et sa concrétisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous évoquez un décalage, une incompréhension. Je vais essayer de la lever, le plus simplement possible.
Vous avez raison de souligner que ces caméras-piétons sont un outil précieux pour les policiers et les gendarmes ; nous souhaitons qu'elles le soient pour les policiers municipaux. Une loi a effectivement généralisé ce dispositif à l'ensemble du territoire national après deux ans d'une expérimentation qui a porté ses fruits et s'est avérée extrêmement positive.
En effet, d'abord, ces caméras permettent de réduire les tensions lorsque des policiers municipaux interviennent. Ensuite, elles leur permettent de réunir des preuves judiciaires quand ils sont agressés. Enfin, comme vous le savez très bien, elles sont très utiles pour la formation des policiers municipaux.
M. François Grosdidier. On le sait depuis dix ans !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. La loi en question a généralisé ce dispositif ; un décret d'application est en cours de préparation.
M. François Grosdidier. Ça fait six mois !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Il a reçu des avis de la CNIL et du Conseil national d'évaluation des normes ; le Conseil d'État en est saisi depuis janvier 2019. Ce texte est donc à l'étude.
Je rappelle que ce dispositif est extrêmement contraignant. Comme vous le savez, quand les policiers rentrent au service, ils ne peuvent pas visionner eux-mêmes les images, mais doivent les stocker dans des conditions de sécurité optimales.
M. Simon Sutour. C'est Courteline !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Dès lors, si ces dispositions réglementaires méritent d'être étudiées avant d'être adoptées, c'est d'abord pour protéger ces fonctionnaires de police municipale, tout comme nous protégeons les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie nationales dans l'utilisation de ce dispositif.
Je peux en tout cas vous assurer qu'il n'y a aucune volonté du Gouvernement de ne pas mettre en œuvre ces dispositions. Bien au contraire, puisque nous travaillons main dans la main avec les polices municipales dans le cadre de la police de sécurité du quotidien et du continuum de sécurité que nous souhaitons.
À l'évidence, y compris dans le cadre de patrouilles communes, il est tout à fait indispensable, pour nous aussi, que les fonctionnaires de police municipale soient dotés de ces caméras-piétons. Tout sera donc mis en œuvre pour que ce décret soit publié le plus rapidement possible.
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