M. Jean-Luc Fichet. Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, la France réalise des efforts importants pour assurer une formation d'excellence à nos futurs médecins et ainsi garantir la qualité des soins dispensés à nos compatriotes.
Ce sont les établissements d'enseignement supérieur publics qui réalisent logiquement cette formation. Elle est donc légitimement gratuite.
Le coût moyen de formation d'un étudiant est estimé à environ 150 000 euros sur toute la durée de son cursus. L'État et les collectivités investissent ensuite massivement pour inciter les médecins à s'installer dans les territoires qui en ont le plus besoin.
L'an passé, je vous avais demandé un état des lieux de l'ensemble de ces dispositions et de leurs coûts pour la puissance publique, sans jamais avoir obtenu de réponse.
Madame la ministre, comment expliquer à nos concitoyens et aux élus locaux que nous n'arrivions pas, avec autant d'investissement, à doter les territoires ruraux, mais aussi périurbains sensibles, de médecins en nombre suffisant ?
À Morlaix, à une heure du CHU de Brest, comment comprendre que le service de cardiologie de l'hôpital public ait fermé ses portes, faute de cardiologue, alors que la clinique privée de la ville a opportunément développé son offre de consultations cardiologiques ?
Comment expliquer qu'on laisse s'installer des médecins dans des zones déjà sur-dotées sans utiliser le levier du déconventionnement ? Comment expliquer que, malgré toutes les mesures incitatives, nous n'arrivions pas à les faire s'installer là où il y a un réel besoin ?
Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous rendre public le coût de l'ensemble des dispositifs d'aides à l'installation des médecins ? Allez-vous décider de déconventionner les médecins qui s'installeraient en zones denses et prendre des mesures coercitives à leur encontre pour qu'ils s'installent dans les zones sous-dotées ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, vous posez plusieurs questions en une seule !
Je vais d'abord vous répondre sur les aides et les incitations financières à l'installation : cette politique existe, elle a effectivement été développée lors des quinquennats précédents, mais ce n'est pas la mienne. J'ai d'ailleurs demandé qu'une mission d'évaluation se penche sur ces aides incitatives qui provoquent souvent des effets d'aubaine et qui n'ont jamais réussi à pérenniser des médecins.
Ce n'est pas la politique que je porte dans le cadre du plan Ma santé 2022, qui s'intéresse, au contraire, à l'aspect qualitatif de l'exercice professionnel des médecins qui s'installent. Il s'agit de leur donner envie de s'engager dans les territoires en favorisant l'exercice pluriprofessionnel et les délégations de tâches avec d'autres professionnels de santé – notamment autour des pathologies chroniques –, en leur permettant de récupérer du temps médical grâce à des assistants médicaux.
Il s'agit aussi de favoriser des consultations avancées de spécialistes qui viennent des hôpitaux publics, ou même du secteur libéral, et de développer ces consultations itinérantes sur le territoire.
Nous souhaitons également redonner de la place dans les hôpitaux de proximité aux médecins généralistes qui visent des exercices diversifiés.
C'est une politique incitative, mais pas uniquement financière, loin de là. Nous voulons pérenniser dans les territoires les médecins qui ont envie d'y être et qui prennent du plaisir à soigner les malades. C'est la politique que je mène.
Nous sommes beaucoup interpellés sur la coercition et sur les mesures qui pourraient obliger les médecins à s'installer. Malheureusement, comme vous le savez, nous souffrons d'une démographique médicale catastrophique, qui n'a pas été anticipée. Nous avons quelques années difficiles devant nous. Aujourd'hui, il n'y a plus de zones sur-denses en France. Il n'y a plus de zones d'où l'on pourrait retirer des médecins généralistes pour les installer ailleurs sur le territoire.
Toutes les mesures proposées visant au déconventionnement n'aboutiraient, en réalité, qu'à une médecine à deux vitesses. Je ne crois pas en l'efficacité de ces mesures, qui n'ont fonctionné dans aucun pays.
Favorisons plutôt un exercice pluriprofessionnel de qualité pour les médecins. Ils viendront s'installer.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Malheureusement, elle ne me satisfait pas complètement.
Toutes ces mesures existent déjà depuis de nombreuses années. Il n'en reste pas moins que les territoires ruraux et périurbains restent sans médecins, sans offres de santé.
Les médecins formés aujourd'hui s'orientent non pas vers la médecine de ville, mais vers les hôpitaux, là où ils ont été formés. Sans doute faudrait-il prévoir des stages auprès des médecins libéraux dans le cursus universitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jackie Pierre et Michel Raison applaudissent également.)
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