M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais évoquer avec vous la situation de Vincent Lambert et le débat, comme l'émoi, qu'elle suscite dans le pays.
Je voudrais le faire sans céder à la tentation qui, dans cette affaire, peut tous nous guetter, quelles que soient nos convictions intimes, celle des postures établies d'avance, des certitudes toutes faites. Devant une telle situation, ayons l'humanité de compatir et l'humilité de reconnaître.
Compatir, parce qu'au-delà des positions des uns ou des autres il y a un drame ; il y a le silence d'un homme ; il y a la douleur déchirante d'une famille déchirée, exposée sur la place publique ; il y a aussi la détresse d'une épouse et l'espérance d'une mère.
Reconnaître, car reconnaissons que ni le droit ni la médecine ne nous offrent des réponses indiscutables. L'institution médicale est divisée. Quant à l'institution judiciaire, l'arrêt rendu hier soir par la cour d'appel de Paris démontre que, sur le plan du droit également, des interrogations demeurent.
Alors, qui croire ? Que croire ? Il n'y a pas, mes chers collègues, de certitudes. Qui sait ici, dans cet hémicycle, ce que veut Vincent Lambert ? Qui pourrait affirmer savoir ce que les médecins eux-mêmes ne savent pas ? Ayons la force d'esprit et de cœur d'admettre que nous ne savons pas.
Peut-être devrions-nous nous interroger avec humilité sur deux questions fondamentales que je vous pose, madame la ministre ?
D'abord, jusqu'où pouvons-nous considérer qu'une vie ne vaut plus la peine d'être vécue ?
Par ailleurs, l'incertitude, le doute et les décisions parfois contradictoires dans cette terrible affaire font craindre à beaucoup de Français le risque d'une dérive préjudiciable aux plus fragiles, une sorte d'insécurité éthique. Ne faut-il pas, madame la ministre, tirer dès à présent les enseignements de ce drame ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bernard Fournier, je crois pouvoir le dire, comme beaucoup de Français, nous sommes nombreux ici à être bouleversés par cette situation, par ce drame familial, qui touche à l'intime de chacun d'entre nous.
Vous le savez, l'État français a toujours été soucieux de s'assurer que l'application de la procédure d'arrêt de traitement en cas d'obstination déraisonnable respectait le cadre de la loi Claeys-Leonetti, votée en 2016.
Hier soir, la cour d'appel de Paris a accepté la requête des parents de Vincent Lambert et a ordonné la reprise des traitements, afin de respecter les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU. L'équipe médicale en charge de Vincent Lambert appliquera ces mesures provisoires. Je n'en dirai pas davantage sur ce cas particulier.
Aujourd'hui, encore plus que jamais, nous devons respecter l'intimité et la douleur de la famille et des proches de Vincent Lambert.
La seule leçon que nous pouvons retenir de cette situation, c'est que chacun remplisse ses directives anticipées. Chaque personne majeure peut, depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, rédiger par avance une déclaration pour préciser ses volontés en fin de vie. Chacun peut inscrire son refus ou sa volonté de poursuivre, de limiter ou d'arrêter les traitements ou les actes médicaux. Les consignes données dans les directives anticipées permettent aux équipes médicales de prendre en charge les patients en respectant leur propre volonté. On peut les remplir sur internet ; elles sont également accessibles dans le dossier médical partagé. J'engage chaque Français, aujourd'hui, à les renseigner. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
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