Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Madame la ministre, à travers le pays, dans beaucoup de tribunaux, les greffières et les greffiers, chevilles ouvrières du système judiciaire français, sont en sous-effectif. Les exemples sont nombreux : au tribunal de grande instance de Valence, mais aussi dans bien d'autres endroits, leur trop petit nombre ne leur permet pas d'absorber la charge de travail qui leur incombe. Cette situation entraîne l'allongement considérable du délai de traitement des dossiers.
En effet, lorsqu'une décision de justice est prise par un magistrat, elle nécessite la rédaction par un greffier ou une greffière d'une notification, qui la rend valable aux yeux de la loi. Aucun dossier ne peut avancer sans cela, et ce sont les plus fragiles qui en souffrent en premier lieu, notamment les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, ainsi que les enfants.
Plusieurs centaines de dossiers traités par le tribunal pour enfants de Valence sont en attente depuis des mois et s'accumulent. Or, pour intervenir auprès des familles et mettre en œuvre les décisions de justice prises en faveur de la protection de l'enfant, les travailleurs sociaux de l'ANEF, l'Association nationale d'entraide, et de la Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence ont besoin de ces notifications rédigées par les greffiers, sans quoi ils n'ont aucun mandat pour agir. À cause du manque de personnel dans le service public de la justice, ils sont dans l'incapacité d'œuvrer pour placer les enfants lorsque cela est nécessaire.
Aujourd'hui, en ne réagissant pas, vous mettez des enfants en danger. Cette situation est inacceptable, intolérable. Que comptez-vous faire, madame la garde des sceaux, pour y remédier ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Monier, votre question est très importante dans la mesure où elle a un rapport avec l'enfance en danger, et nous ne pouvons pas laisser les choses en l'état.
Vous m'alertez sur les difficultés du tribunal pour enfants de Valence qui se sont fait jour vers le mois de janvier dernier, notamment en raison de l'augmentation considérable du nombre de mesures d'assistance éducative.
Comme vous le savez, le juge des enfants a une double casquette : il intervient à la fois au pénal, et c'est le service de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, qui met en œuvre les mesures, et au titre de l'assistance éducative, et ce sont alors les départements et les services de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, qui exécutent les décisions.
Au tribunal pour enfants de Valence, les mesures d'assistance éducative ont augmenté de 60 % en quatre ans. Pour faire face à cette situation, nous avons affecté un magistrat supplémentaire l'année dernière. Nous avons ainsi pris en compte les difficultés existantes. Toutefois, l'organisation du greffe n'a pas suivi. C'est la raison pour laquelle il a fallu travailler localement : la présidente du tribunal de grande instance a organisé des réunions au mois de mai dernier, et la notification des décisions par les greffiers a depuis lors repris.
Cependant, un stock de décisions importantes demeure encore à notifier. C'est pourquoi trois décisions ont été prises.
Tout d'abord, la direction des services judiciaires va attribuer des crédits supplémentaires pour permettre le recrutement de vacataires. Ensuite, la présidente du tribunal de grande instance affectera un emploi supplémentaire dans ce cadre-là. Enfin, deux greffiers supplémentaires arriveront au mois de septembre prochain.
Nous espérons ainsi pouvoir assurer au tribunal pour enfants de Valence les conditions nécessaires à son fonctionnement.
Plus généralement, pour ce qui concerne l'exécution des décisions de justice en matière d'assistance éducative, mes collègues Agnès Buzyn, Adrien Taquet et moi-même avons décidé de diligenter une mission d'inspection pour améliorer la situation dans ce domaine. C'est, je le répète, important pour l'enfance en danger.
(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, il ne s'agit pas d'un « stock de décisions » ; on parle d'enfants.
Les travailleurs sociaux de la Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence avec qui j'ai discuté hier sont très inquiets. La République a le devoir de protéger ses enfants. Or, aujourd'hui, dans la Drôme, elle est défaillante. À l'heure même où nous évoquons ces enfants, ces derniers sont en danger.
Neuf mois, de janvier à septembre, c'est beaucoup trop long. Si l'on regarde l'ensemble des services publics, les services des urgences, les hôpitaux, les pompiers et la justice sont en danger et vivent un véritable malaise, auquel le Gouvernement est sourd. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)
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