Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Depuis plusieurs années, la pénurie de médicaments ne cesse de s'accentuer. Le Gouvernement a tardé à réagir, à tel point que la situation est désormais alarmante : des bébés ne peuvent être vaccinés à temps, des personnes touchées par le cancer ne peuvent recevoir leurs médicaments, des malades de Parkinson peuvent être gravement atteints par la rupture de leur traitement. La liste est longue…
Face à ce constat, vous avez annoncé, madame la ministre, la volonté d'agir du Gouvernement. Pourtant, vos déclarations ne semblent pas montrer une volonté de s'attaquer à l'impuissance publique face aux laboratoires pharmaceutiques. Or ce point est majeur.
Les laboratoires renchérissent les coûts en organisant les pénuries, prônent le recours aux flux tendus en réduisant les stocks pour maximiser les profits et délocalisent hors de France la production et la recherche. Sanofi, par exemple, après avoir fermé de nombreux sites, prévoit la suppression de 1 500 emplois en 2019, dont 300 dans le secteur de la recherche-développement, alors même que cette entreprise a touché chaque année 150 millions d'euros de crédit d'impôt recherche, sans même compter ce qu'elle a perçu au titre du CICE.
Par ailleurs, les laboratoires laissent arriver d'Asie des lots de mauvaise qualité, qui sont bloqués lors des contrôles et contribuent à la pénurie.
Il est temps que tout cela change, que la filière pharmaceutique soit considérée comme stratégique et vitale, que l'État soit capable d'assurer l'approvisionnement de médicaments de qualité à des prix abordables. Que compte faire concrètement le Gouvernement pour atteindre ces objectifs ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, je ne suis pas d'accord avec vous : le Gouvernement n'a pas tardé pour agir. L'Agence du médicament a demandé à tous les industriels de la pharmacie de mettre en place des plans de gestion des risques pour éviter les ruptures.
Cela étant, vous avez raison, il s'agit d'un phénomène mondial, qui s'accélère. Les pénuries sont vingt fois plus nombreuses aujourd'hui qu'elles ne l'étaient voilà dix ans. Nous avons donc décidé de monter notre dispositif d'un cran pour agir contre ces pénuries, qui inquiètent énormément nos concitoyens et les professionnels de santé.
J'ai présenté lundi une feuille de route autour de quatre grands axes pour mieux prévenir, gérer et informer les patients.
Le premier vise à faire toute la transparence sur ces pénuries et à mieux informer à la fois les patients et les professionnels afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs.
Le deuxième axe vise à mieux lutter contre les pénuries par de nouvelles actions de prévention et de gestion des risques sur l'ensemble de la chaîne de production et de distribution du médicament.
Le troisième axe consiste à renforcer non seulement la coordination nationale pour lutter contre les pénuries, mais aussi la coordination internationale. Comme je l'ai souligné, il s'agit d'un phénomène mondial, et l'Europe doit aussi s'organiser.
Enfin, nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance nationale en instaurant un comité de pilotage, que j'installerai en septembre prochain, afin de réunir tous les acteurs autour de la table.
Je souhaite aussi rassurer nos concitoyens : l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, notamment les pharmaciens et les médecins, font aujourd'hui tout leur possible pour assurer la distribution des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Je les remercie sincèrement de leur implication.
Le comité de pilotage permettra de rendre compte régulièrement de l'avancée de cette feuille de route.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces déclarations me semblent tout de même très en deçà de l'enjeu et des risques.
Nous vous demandons, madame la ministre, de prendre en compte des propositions que nous avons déjà faites dans cette assemblée.
La première consiste en la création d'un pôle public du médicament, tant pour la production que pour la recherche. Nous voyons bien que nous ne pouvons rester à la merci du bon vouloir des laboratoires pharmaceutiques, car il y va de la santé de nos concitoyens et de la souveraineté nationale.
La deuxième consiste en l'élaboration d'un plan public de distribution en mobilisant, d'une part, la pharmacie centrale des armées,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et, d'autre part, l'Agence générale des équipements et produits de santé.
Enfin, notre troisième proposition consiste à nous opposer immédiatement à toutes les délocalisations dans le secteur du médicament. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
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