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Christian Cambon
Question d'actualité au gouvernement N° 963 au Premier Ministre


Situation des Kurdes

Question soumise le 17 octobre 2019

M. Christian Cambon. Comme les intervenants précédents l'ont souligné, le Levant est de nouveau en feu. L'offensive massive que la Turquie a lancée au nord-est de la Syrie anéantit d'un seul coup tous les efforts menés par la coalition, dont la France est le deuxième contributeur. C'est évidemment un signe très positif pour Daech, qui n'en attendait pas tant.

Le bilan est accablant : déjà près de 1 000 morts à l'heure où nous parlons, 160 000 civils jetés sur les routes, le retour de Daech et le risque, peut-être pire encore, d'évasion de djihadistes, qui viendront faire payer très cher à l'Europe son engagement.

Enfin, les Kurdes, nos alliés, nos amis, qui se sont battus avec tant d'héroïsme pour notre propre sécurité, ce peuple sans patrie, trahi une fois de plus, sont contraints d'appeler au secours leurs ennemis d'hier.

Les Américains ont cru défendre leurs intérêts, mais quelle confiance accordera-t-on demain à leur parole ?

Monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples : comment l'OTAN peut-elle rester sans réagir ? Nous étions un certain nombre dimanche dernier à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. À nos questions, fortes – nous avons fait entendre la voix de la France –, le secrétaire général Stoltenberg n'a jamais daigné répondre.

Par ailleurs, que comptez-vous faire face aux milliers de djihadistes qui menacent notre sécurité ? Le départ de M. le ministre des affaires étrangères pour l'Irak a été annoncé. Qu'espère-t-il obtenir là-bas ? Surtout, que comptez-vous faire, ici, en France, pour assurer la sécurité des Français ?
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Simon Sutour applaudit également.)

Réponse émise le 17 octobre 2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n'ai rien à retrancher ou à ajouter au constat que vous venez de dresser, monsieur le président Cambon, s'agissant du caractère unilatéral des décisions qui ont été prises par la Turquie et les États-Unis, s'agissant des conséquences très lourdes sur le plan de la sécurité – je les ai évoquées, mais je me retrouve entièrement dans ce que vous avez vous-même formulé – de la résurgence probable de Daech liée à la déstabilisation, s'agissant de l'impossibilité, ou de la très grande difficulté, à trouver une solution politique dès lors que cette intervention se déroule.

Vous soulevez deux questions distinctes, bien qu'elles soient un peu liées.

La première est relative à l'OTAN. La Turquie, la France, les États-Unis, ainsi qu'un grand nombre – pas tous – de partenaires de la coalition internationale en sont membres.

Vous avez évoqué les questions posées par un certain nombre de parlementaires français à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et l'absence de réponse à laquelle ils ont été confrontés, qui me semble traduire un très grand trouble, pour dire les choses de façon posée. Regardons ce trouble en face.

Si le principe d'une alliance est de permettre à des partenaires de travailler ensemble, les décisions unilatérales ou celles qui s'entrechoquent les unes avec les autres ne me paraissent pas relever d'un bon fonctionnement. Regardons la situation en face et travaillons sérieusement avec nos partenaires. Quiconque prétendrait que l'OTAN fonctionne comme elle a toujours fonctionné – « circulez, il n'y a rien à voir », pardon de le dire trivialement – se tromperait.

Votre seconde question est relative à la sécurité en France, qui se traduit de deux façons. Tout d'abord, il y a la reconstitution d'un espace géographique maîtrisé par Daech, lequel serait propice à l'organisation d'actions à l'extérieur de ce territoire. Nous n'en sommes pas là, même si le risque n'est pas nul. En effet, les détenus sont toujours détenus et les prisons sont situées assez loin, voire très loin, de la zone où ont lieu les combats. Les camps où sont parqués, si j'ose dire, un certain nombre de gens qui s'étaient échappés après les derniers combats, notamment à Baghouz, dans le sud de la région, subsistent encore.

Nous devons évidemment avoir en tête que la résurgence de Daech est possible. Nous devons discuter avec nos partenaires de la région, qui ont les mêmes intérêts que nous, pour éviter la reconstitution de Daech. La discussion s'avérera compliquée, car la situation est profondément déstabilisée.

Qui peut dire, compte tenu de la décision américaine, que nous pourrons compter, demain, sur nos alliés kurdes ?

Quant à la question des retours vers le territoire national, monsieur le président Cambon, l'ensemble du dispositif est prêt. Nous sommes bien évidemment prêts à judiciariser tous ceux qui, s'étant rendus sur zone, se sont rendus complices des actions criminelles qui ont été conduites sur place.

Autrement dit, une grande vigilance s'impose sur le territoire métropolitain, dans l'hypothèse où certains voudraient revenir. Pour autant, nous le savons, un certain nombre de personnes, si elles devaient échapper au contrôle de nos alliés kurdes, ne chercheraient pas forcément à revenir, mais iraient se battre.

Par ailleurs, nous devons travailler avec les pays voisins, notamment avec l'Irak. Vous l'avez dit, monsieur le président Cambon, M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères se rendra dès ce soir en Irak, pour discuter avec son homologue irakien des mesures à mettre en place et, éventuellement, d'un accompagnement en matière de coopération judiciaire. En effet, un certain nombre de ceux qui sont détenus en Syrie par les Kurdes ayant commis des crimes en Irak, ils pourraient, le cas échéant, être judiciarisés sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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