Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Le fait que la quasi-totalité des présidentes et présidents des départements de France ait quitté la salle lors de leur congrès annuel, alors que la ministre représentant le Gouvernement s'exprimait, est pour le moins inhabituel et lourd de sens.
Ces élus, dans leur diversité politique, ont ainsi voulu dénoncer la mise sous tutelle des budgets départementaux, engagée avec le pacte de Cahors fin 2017 et confirmée dans le projet de loi de finances pour 2020.
Ils s'inquiètent à bon droit de la fin de leur autonomie fiscale avec le transfert de la taxe foncière aux communes pour compenser la suppression de la taxe d'habitation. Ils ne se satisfont pas de l'octroi d'une part de TVA en compensation de cette perte, et ce pour trois raisons.
Vendu comme dynamique par le Gouvernement, cet impôt est de fait très aléatoire. De plus, son rendement s'inverse mécaniquement en période de crise, alors même que toute crise engendre plus de précarité et donc plus de dépenses de solidarité versées par les départements.
Par ailleurs, la TVA étant payée de la même façon par les très riches et les très pauvres, puisqu'il s'agit d'une taxe sur la consommation, ils estiment choquant, et on les comprend, de voir les plus fragiles payer pour des politiques sociales dont ils sont censés être les bénéficiaires.
Enfin, ils dénoncent la remise en cause inacceptable de l'histoire et des principes de la décentralisation via la mise à mal de leur autonomie financière et fiscale.
Quelle suite le Gouvernement entend-il réserver à leurs légitimes inquiétudes ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Perol-Dumont, peut-être trouverez-vous intéressant le fait que les impôts payés par les habitants de votre département baisseront en moyenne de… (Vives protestations sur de nombreuses travées.)
Mme Éliane Assassi. Et pour les autres départements ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Perol-Dumont, puisque vous avez parlé des personnes en difficulté, préoccupation que je partage, vous serez peut-être intéressée de savoir que, dans votre département, les impôts baisseront en moyenne de 744 euros par foyer fiscal.
(Mêmes mouvements.)
Par ailleurs, il a effectivement été décidé de compenser la perte de la taxe sur le foncier bâti par une fraction de TVA, dont le montant s'élève à 15 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 250 millions d'euros de bonus.
Je voudrais préciser, ce que je n'ai pas eu le temps de faire tout à l'heure, que la dynamique de cette enveloppe de 250 millions d'euros – elle est en effet aussi dynamique que les autres ressources – sera garantie par une clause de sauvegarde qui permettra de prévenir tout accident susceptible de survenir dans un département. Il s'agit d'un élément de solidarité supplémentaire.
J'insiste sur le fait que la fraction de TVA dont je parle est véritablement dynamique. Il ne s'agit pas d'une dotation, contrairement à ce que j'entends souvent.
Permettez-moi de faire une comparaison, puisque M. Martin a évoqué la taxe professionnelle tout à l'heure : je vous rappelle que la part « salaire » de cette taxe a été supprimée en 1999 et a été remplacée par une dotation, une vraie, sans aucune dynamique de croissance, et que nous en constatons encore les effets aujourd'hui.
Je précise également qu'une clause de sauvegarde garantit que la fraction de TVA versée ne sera jamais inférieure à celle qui sera versée en 2021.
Enfin, et j'en termine, les recettes de TVA augmentent en moyenne de 3 % par an depuis dix ans, et ce malgré les difficultés liées à la crise de 2009-2010,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … c'est-à-dire qu'elles s'accroissent plus vite que celles qui sont issues de la taxe sur le foncier bâti.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. François Patriat. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Décidément, madame la ministre, à écouter votre réponse, malgré le mouvement des « gilets jaunes » né à l'automne dernier, malgré les dernières estimations de l'Insee sur l'augmentation inquiétante des inégalités et de la pauvreté dans ce pays cette dernière année, le Gouvernement n'a pas pris la mesure de la fracture sociale et territoriale qui s'aggrave dangereusement dans notre pays.
Vous pouvez toujours supprimer l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, mais casser le thermomètre n'a jamais fait baisser la température !
(Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Vous seriez bien avisée, plutôt que de maltraiter les départements, de travailler avec eux, à leurs côtés, chacun à sa place, chacun dans son rôle, pour plus de cohésion sociale et territoriale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.)
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