M. Pierre Ouzoulias. Plus d'un étudiant sur deux ne mange pas tous les jours à sa faim. Près d'un sur deux a renoncé à se soigner par manque d'argent. Il n'y a que 175 000 places en résidence étudiante pour 700 000 étudiants boursiers, et le loyer représente plus de 70 % du budget moyen des étudiants. Plus d'un étudiant sur deux est obligé de travailler pour étudier et subsister, et les étudiants salariés occupent les emplois les plus précaires, les plus harassants et les moins rémunérés ; ainsi, ils composent près de 60 % de la main-d'œuvre des plateformes de prestations.
À tout cela s'ajoutent des conditions d'enseignement indignes et un sous-encadrement pédagogique chronique.
La grande majorité de la population estudiantine est en souffrance. L'aggravation de ses conditions d'existence conduit à la désespérance, à des drames humains et à des gestes désespérés comme celui d'Anas, qui sont autant de cris de détresse que vous ne pouvez ignorer.
Les conséquences de ce mal-être endémique sont catastrophiques pour notre pays : de moins en moins d'étudiants poursuivent un cursus complet, le nombre de doctorants baisse chaque année et la fuite des cerveaux est maintenant manifeste.
Or, à cette crise majeure, vous répondez par une baisse des moyens alloués à l'enseignement supérieur. La dépense par étudiant atteint aujourd'hui son plus bas niveau depuis 2008, et il n'y a dans votre projet de loi de finances aucune ambition d'arrêter cette chute. À la jeunesse qui souhaite s'investir dans la connaissance, la culture et les œuvres de la pensée, vous envoyez le message détestable qu'elle ne serait qu'une charge, un fardeau improductif qu'il faudrait continûment alléger !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous abordez une réalité, une dure réalité : la précarité étudiante, parfois la misère étudiante.
Cette réalité a été remise en lumière par la tragique immolation d'un jeune, vendredi dernier, à Lyon. C'est évidemment vers lui, ses proches et la communauté étudiante et universitaire de Lyon que nos pensées se tournent aujourd'hui. Frédérique Vidal s'est rendue sur place dès samedi pour échanger avec eux.
Cette réalité, à laquelle nombre des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années avaient cherché à répondre, nous avons choisi de la prendre à bras-le-corps. C'est ainsi que nous avons supprimé la cotisation de sécurité sociale de 217 euros qui était payée par les étudiants à chaque rentrée. De même, nous avons annoncé, voilà deux mois, une augmentation des bourses à hauteur de 46 millions d'euros. En outre, les bourses sont désormais versées à date, le 5 du mois – et même, par anticipation, en début d'année pour les étudiants qui ont constitué leur dossier.
Ces progrès sont concrets et tangibles ; on ne peut pas les nier.
Mme Cécile Cukierman. La précarité non plus, on ne peut pas la nier !
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Évidemment, des situations difficiles demeurent ; évidemment, il faut poursuivre l'effort et faire mieux connaître les dispositifs d'aide – quasiment cinquante – qui existent à l'université. Je pense en particulier aux aides pour les situations d'urgence.
De fait, la précarité peut s'ajouter à la précarité en cas de rupture ou lors de tout autre moment difficile. L'enquête en cours à Lyon vise à déterminer si l'université et le Crous étaient informés de la situation très difficile de ce jeune et à comprendre pourquoi les aides disponibles ne lui ont pas été proposées.
Poursuivre l'effort, c'est aussi le sens du revenu universel d'activité : la concertation sur ce sujet doit nous conduire à repenser une partie de l'accompagnement social des jeunes. Nous sommes résolus à continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
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