M. Alain Milon. Contrairement à ce qui est affiché, ma question s'adresse non pas à Mme la ministre des solidarités et de la santé, mais à M. le Premier ministre. En effet, la semaine dernière, pendant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, en présence de Mme Buzyn, le Président de la République a annoncé que des réformes de l'hôpital seraient annoncées par M. le Premier ministre lui-même.
Monsieur le Premier ministre, dans ce que vous avez présenté ce matin, qui esquisse la grande réforme dont l'hôpital a besoin, il n'y a absolument rien de convaincant. Les professionnels de santé attendaient un plan de sauvetage, ils n'ont eu que du rafistolage. Les revalorisations se sont transformées en primes ponctuelles, soumises à conditions. Les 300 millions d'euros de plus pour 2020 sont à mettre en perspective avec les 800 millions d'euros de déficit annuel des hôpitaux. Après avoir contribué à endetter les hôpitaux, faute de leur donner les moyens de fonctionner, vous vous contentez d'alléger leur dette d'un tiers.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez présenté le plan « Ma santé 2022 » il y a quatorze mois, le plan pour les urgences il y a six mois. Manifestement, ils n'ont pas atteint leur objectif. On peut malheureusement d'ores et déjà parier qu'il en sera de même pour vos dernières annonces.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avez-vous pas fait le choix d'une réforme en profondeur de l'hôpital ?
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Pierre-Yves Collombat. Pour faire des économies !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Milon, vous m'interrogez sur le plan que, ce matin, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons présenté.
Un mot d'abord pour dire ce qui motive ce plan au-delà de ce décrochage et de ce sentiment d'abandon parfois exprimé par toute une série de professionnels qui font vivre l'hôpital public : une régulation budgétaire terrible dans les dix dernières années, une transformation de la gouvernance à l'intérieur de l'hôpital qui a éloigné les médecins des lieux de décisions, une réforme profonde de l'organisation territoriale qui a donné le tournis à l'hôpital public. Ajoutez à cela les 35 heures !
(Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Encore ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous savez qu'aucune de ces décisions n'est due à ce gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh non, je peux vous le garantir !
M. Jean-François Husson. Ce n'est jamais vous ! Changez de discours !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces décisions ont conduit l'hôpital public à une situation dont on pourrait dire, si on était dans l'aéronautique, qu'elle relève presque du décrochage. Il faut éviter ce décrochage, c'est-à-dire qu'il faut donner à l'hôpital public de l'oxygène, ou du carburant, cela dépend quelle analogie on veut travailler, pour qu'il puisse passer cette phase de transformations indispensables, qui a été décrite par Mme la ministre dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ».
J'observe – et je suis certain que vous l'observez également, monsieur le président Milon – que, dans les manifestations et remarques exprimées par les corps intermédiaires auxquels vous comme moi sommes attachés, on n'entend pas la contestation des orientations qui ont été fixées par Mme la ministre dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Vous le savez parfaitement. Il y a, au contraire, une forme d'adhésion, mais aussi la critique que ces pistes ne produiront leurs effets que dans le temps. Or nous n'avons pas le temps, parce qu'il y a urgence.
Tel est le sens du plan d'action que nous avons présenté ce matin, qui n'est pas un petit plan d'action, puisqu'il s'agit de mettre sur la table, pour les trois ans qui viennent, 1,5 milliard d'euros d'argent neuf, frais, d'y ajouter 150 millions d'euros annuels pendant trois ans pour financer de l'investissement médical et du « petit » investissement médical. Je mets des guillemets, parce qu'il ne s'agit pas de construire des hôpitaux immenses, mais bien au contraire de consacrer des ressources pérennes à de l'investissement pour du matériel et ce qui fait cruellement défaut.
Vous le savez comme moi, monsieur Milon, les chiffres de l'hôpital sont terribles. En dix ans, l'investissement hospitalier a été divisé par deux et, dans la même période, l'endettement de l'hôpital public a crû de 40 %. Ce phénomène rend les hôpitaux publics insusceptibles de dégager les marges de manœuvre qui leur permettent d'envisager leur avenir. C'est précisément la raison pour laquelle, à côté de ces 1,5 milliard d'euros, plus les 450 millions d'euros, nous avons décidé d'opérer une reprise de dette.
Je n'ai pas le souvenir, mais je parle sous votre contrôle, monsieur le président Milon, qu'une telle reprise de dette ait été couramment réalisée dans le cadre de l'hôpital public : 10 milliards d'euros de dettes en trois ans, c'est massif. Cela permet, compte tenu des taux d'intérêt, de dégager à terme, c'est-à-dire au bout des trois ans et de la reprise, environ 800 millions d'euros de marge de manœuvre pour les hôpitaux. C'est considérable.
Il ne s'agit pas simplement de moyens, il s'agit de remettre en avant l'attractivité de l'hôpital public par des primes (Mme Laurence Cohen s'exclame.) – c'est vrai –, par la mise à disposition des chefs de service de capacités financières – vous devriez y être sensible, monsieur le président Milon – qui ne sont pas décidées à Paris, pour les accompagner dans leur projet médical. Ce n'est pas rien, c'est même assez rare. Voilà ce que nous voulons faire, comme bien d'autres choses encore.
Ce plan d'action renforcé, ce plan d'urgence, a vocation à aider l'hôpital public à dépasser ce moment de décrochage qui nous inquiète tous légitimement.
Monsieur le président Milon, je voudrais féliciter la ministre des solidarités et de la santé (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.) et dire que le travail engagé avec les fédérations et les nombreux interlocuteurs que nous avons consultés pour élaborer ce plan permet un bon plan, un vrai plan, un plan pour l'hôpital !
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Monsieur le Premier ministre, je n'ai pas, comme vous, la chance d'avoir cinq minutes pour vous répondre.
La crise de l'hôpital vient en effet des 35 heures, je suis complètement d'accord avec vous.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non ! Cela fait vingt ans !
M. Alain Milon. Elle a ensuite été compliquée par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, loi HPST que, je vous le rappelle, vous avez votée en tant que député.
Monsieur le Premier ministre, toutes les mesures que vous avez prises ne sont pas encore acceptables, car elles sont insuffisantes. Je voudrais vous donner quelques pistes supplémentaires.
Il faudrait que vous puissiez, dans le cadre d'un programme, donner leur autonomie aux hôpitaux, débureaucratiser l'hôpital, rendre le pouvoir à ceux qui soignent et, pourquoi pas, remettre en place des conseils d'administration plutôt que des conseils de surveillance, accepter de donner une juste rémunération aux personnels qui sont les moins bien payés en Europe et régionaliser l'organisation de la santé pour y impliquer les collectivités locales et se rapprocher des besoins de terrain. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
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