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Philippe Dallier
Question d'actualité au gouvernement N° 1070 au Premier Ministre


Financement de la réforme des retraites

Question soumise le 12 décembre 2019

M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne, elle aussi, la réforme des retraites.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez prévenu hier les députés de votre majorité : il n'y aurait pas d'« annonces magiques » aujourd'hui. Dont acte !

M. le ministre de l'action et des comptes publics répète souvent dans cet hémicycle lors des débats budgétaires qu'il n'y a pas non plus de « chiffres magiques ». Il a bien raison !

Néanmoins, après vous avoir écouté attentivement ce midi, il nous manque encore quelques petits éléments pour comprendre où nous allons exactement.

D'une part, vous allez devoir rééquilibrer le système de retraite actuel, dont le Conseil d'orientation des retraites (COR) nous dit qu'il sera déficitaire, pour une somme comprise entre 10 et 17 milliards d'euros, d'ici à 2025.

D'autre part, vous allez progressivement mettre en place le nouveau système, qui doit accorder des garanties individuelles, notamment aux enseignants, mais aussi des droits nouveaux, tels que les 1 000 euros de pension minimum pour tous.

Nous avons bien compris que le retour à l'équilibre du système actuel serait l'affaire des partenaires sociaux et que l'âge pivot serait fixé à 64 ans d'ici à 2027, et non 2025, mais vous n'avez rien dit, monsieur le Premier ministre, du coût des mesures de transition et des mesures nouvelles ni de la manière dont vous allez les financer.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Réponse émise le 12 décembre 2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Dallier, vous m'interrogez sur le rythme auquel nous proposons de basculer dans le régime futur et sur les questions importantes d'équilibrage des systèmes actuel et futur. Cela représente beaucoup de questions et je reconnais qu'elles ne sont pas simples.

Dans le système futur, une fois que tout aura été mis en place, la responsabilité reviendra aux partenaires sociaux et au Parlement. En effet, le système futur, comme c'est d'ailleurs le cas pour le système actuel, sera financé à 75 % par des cotisations sociales et à 25 % par l'impôt. Dès lors, il n'est pas illégitime – c'est même nécessaire, me semble-t-il ! – que, d'une part, les partenaires sociaux soient représentés et jouent un rôle central dans les décisions qui seront prises et que, d'autre part, le Parlement soit pleinement associé à la définition du pilotage de ces opérations.

Il reviendra à la gouvernance future de fixer des règles d'équilibre par périodes de cinq ans. Comme l'a indiqué le haut-commissaire, une telle période de cinq ans permet à la fois de ne pas laisser perdurer un déséquilibre de manière trop durable et de ne pas faire peser l'obligation d'adaptation sur une seule année.

Dans certains pays, l'équilibre est calculé année après année ; je pense notamment à la Suède, où un régime par capitalisation coexiste avec le régime par répartition et où l'ajustement consécutif à un retournement de cycle économique ou à une crise financière est réalisé sur une année – de ce fait, à la suite de la crise de 2008, les pensions des retraités suédois ont baissé : nous ne voulons pas de cela.

Nous voulons que l'équilibre se fasse sur une période de cinq ans pour faire en sorte que les changements de cycle économique soient lissés. Il reviendra à la gouvernance future d'actionner les paramètres qui seront au fond les mêmes qu'aujourd'hui : la durée du travail, le taux de cotisation, le niveau des pensions, etc.

Néanmoins, nous aurons mis en place une « règle d'or » : la valeur du point ne baissera pas, elle devra évoluer à la même vitesse que les salaires, ce qui est une grande garantie pour les retraités de demain.

En ce qui concerne le déséquilibre que nous constatons aujourd'hui, il est lié au système actuel. Il y a trois ans, le COR, organisme parfaitement respectable et respecté, disait qu'à l'horizon de 2025 nous serions à l'équilibre. Depuis, les hypothèses ont changé – je ne me prononce pas sur la façon dont le travail est réalisé, je sais qu'il est bien fait. Quelques mois après l'élection présidentielle, le COR a ainsi estimé que l'équilibre ne serait pas préservé. Lorsque j'ai souhaité que tout soit clairement mis sur la table pour éviter les spéculations et disposer des projections les plus récentes, j'ai demandé au COR d'actualiser ses travaux ; il a alors estimé qu'en fonction d'un certain nombre d'hypothèses, le déséquilibre serait compris entre 7 et 17 milliards d'euros par an en 2025 et qu'il s'accroîtrait ensuite.

Nous devons dire clairement aux Français comment nous allons régler cette question. Cela se fera progressivement, pas en une fois, mais cela devra se faire.

Pour permettre la mise en place du système futur, nous proposons que la trajectoire d'équilibre commence au 1er janvier 2022 et qu'elle aboutisse à l'équilibre du système ancien en 2027. C'est la proposition que j'ai faite. J'ai écouté ceux qui disaient qu'on ne pouvait pas faire commencer des mesures d'équilibre au moment où se tenaient les discussions sur le système universel – c'est probablement la meilleure attitude. Il reviendra à la nouvelle gouvernance de définir cette trajectoire et les mécanismes qui permettront de la garantir.

J'ai néanmoins ajouté qu'il ne pouvait pas être question pour moi de renoncer à mes responsabilités. C'est pourquoi, si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord sur cette trajectoire, le Gouvernement assumera ses responsabilités. Par conséquent, la loi-cadre qui, je l'espère, sera examinée durant le premier trimestre de 2020 à l'Assemblée nationale, puis durant le deuxième trimestre au Sénat, comportera des mesures qui s'appliqueront par défaut, dans le cas où la nouvelle gouvernance n'arriverait pas à définir les conditions d'un retour à l'équilibre. Cela passera par une incitation, pas par une obligation, à travailler progressivement un peu plus longtemps.

Autrement dit, monsieur le sénateur, les choses sont claires et annoncées, nous ne nous payons pas de mots et nous assumons nos responsabilités. C'est à ce prix que nous pourrons construire un système universel équitable et responsable.
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

M. Philippe Dallier. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, mais vous n'avez pas répondu à ma question !

J'ai bien compris que les partenaires sociaux devraient trouver le chemin, mais certains éléments découleront bien d'une décision de l'État.

Par exemple, combien va coûter l'augmentation des traitements des enseignants que vous allez devoir mettre en œuvre pour leur permettre de bénéficier à terme d'un même niveau de retraite ?

M. Bruno Retailleau. Dix milliards !

M. Philippe Dallier. Cette mesure va bien évidemment peser sur le budget de l'État, et cela de manière progressive ; je crois que le Président de la République avait parlé il y a quelques mois…

M. Bruno Retailleau. À Rodez !

M. Philippe Dallier. … d'un montant de 10 milliards d'euros.

Qu'en est-il ? Combien va coûter la mesure qui garantira une pension minimale de 1 000 euros pour tous ? Qui va assumer ce coût ? Ce sont les questions que je vous ai posées.

Le Gouvernement a déjà abandonné l'objectif d'un retour à l'équilibre des comptes publics en 2022. Alors, où allons-nous dans les cinq ans qui suivent ? J'espère que, d'ici au débat qui devrait avoir lieu au Parlement à partir du début de l'année prochaine, nous serons parfaitement éclairés sur ces questions. Voter une loi-cadre, c'est bien, mais ne pas pouvoir en mesurer les conséquences ne me paraît pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

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