M. Michel Forissier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, à laquelle je souhaite un prompt rétablissement.
Madame la ministre, votre gouvernement a décidé de reprendre la main sur le pilotage de l'apprentissage au niveau national en supprimant toute régulation, fonction qui était exercée par les régions.
Aujourd'hui, l'Association des régions de France (ARF) tire la sonnette d'alarme sur l'évolution des choix d'orientation sur les métiers, qui tend à accentuer l'inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail. Cela ne va pas contribuer à régler le problème crucial des postes non pourvus.
Madame la ministre, allez-vous prendre cette situation en compte et redonner un pouvoir de régulation aux régions, qui, en raison de leur compétence économique, pourraient travailler avec les branches professionnelles et anticiper en orientant les choix de formation sur les métiers créateurs d'emplois ?
Aujourd'hui, la réalité, c'est que les entreprises peinent à recruter. Les candidats à l'apprentissage se retrouvent devant de multiples interlocuteurs et ont du mal à entrer dans les dispositifs. Les apprentis les plus défavorisés ont besoin d'un accompagnement pour trouver un employeur, trouver un hébergement et faire les démarches afin d'obtenir les aides nécessaires.
Pour finir, où en êtes-vous des négociations qui doivent s'engager avec les régions de France sur les compensations que, d'après leurs comptes, vous leur devez ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, que je remercie d'être présente, et à qui je souhaite le meilleur. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, Les indépendants et Les Républicains.)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, vous m'autoriserez à ne pas me lever, exceptionnellement, car j'ai été victime d'un accident du travail.
(Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Forissier, je voudrais dire, d'abord, et vous le savez, que je suis très attachée au partenariat avec les collectivités territoriales sur tous les sujets d'emploi, de formation et d'insertion. C'est ce que nous faisons dans les missions locales et dans la préfiguration du service public de l'insertion. Nous portons également le plan d'investissement compétences, avec un transfert de plus de 6 milliards d'euros aux régions dans une approche partenariale.
C'est donc avec plus de déception que de colère que je me permets de rectifier ou de compléter vos informations. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, promulguée le 5 septembre 2018, est déjà largement en vigueur, et produit de premiers résultats. Nous sommes d'accord, il ne s'agit que des premiers résultats, mais nous avons eu, au mois de juin, 458 000 apprentis – on n'en a jamais eu autant en France –, soit une hausse de 8,4 %.
La plupart des mesures sont en vigueur depuis le début de l'année. Toutes les simplifications pour les entreprises – l'aide unique, l'embauche tout au long de l'année, les horaires de travail, les conditions de travail – sont en vigueur depuis le 1er janvier, ainsi que toutes les aides aux apprentis, permis comme salaires.
La mesure phare a été celle qui a fait sauter le verrou – il y avait un désaccord avec les régions sur ce point – pour la création des centres de formation d'apprentis (CFA). Une dynamique extraordinaire s'est enclenchée, sur l'initiative des régions, des branches, des collectivités territoriales, puisque plus de 500 CFA se sont enregistrés depuis le début de l'année.
De la même façon, le coût au contrat est déjà en application. Il a été avancé de trois mois, car les CFA nous l'ont demandé.
Les entreprises, les jeunes et les CFA plébiscitent cette réforme. On relève une augmentation de 27 % du nombre d'apprentis chez les compagnons, de 17 % dans les maisons familiales rurales, de 10 % dans l'industrie.
Nous avons un seul sujet : les 500 millions d'euros que le Premier ministre s'est engagé à transférer aux régions le seront dès que l'Association des régions de France aura proposé cette répartition.
Œuvrons ensemble pour que les régions, qui ont baissé fortement les financements des CFA en fin d'année, alors que, par ailleurs, ils ont les financements les plus importants qu'ils aient jamais eus, ne pratiquent pas la politique de la terre brûlée.
M. Bruno Retailleau. C'est lamentable ! C'est archi-faux !
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.
M. Michel Forissier. Madame la ministre, comme le Sénat vous l'avait proposé lors de nos débats sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, je vous demande solennellement de revoir votre position et de redonner aux régions une vraie compétence de régulation.
Vous demandez aux régions de s'investir et, en même temps, vous leur retirez une compétence. C'est d'une incohérence totale !
Il faut absolument que cette compétence de régulation et d'accompagnement revienne aux régions. En raison de leur compétence économique, et dans l'esprit d'une nouvelle étape de la décentralisation, il importe que votre Gouvernement considère les régions comme des partenaires, et non…
M. le président. Il faut conclure !
M. Michel Forissier. … comme des concurrents, voire des ennemis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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