M. Antoine Karam interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la mission du centre national d'études spatiales (CNES) en matière d'accompagnement du développement économique et social de la Guyane.
Depuis son installation sur le territoire guyanais, le CNES construit, investit, embauche, conseille, finance et participe au développement économique et social, aux partenariats avec les communes, aux dons pour le monde associatif, à l'éducation, aux sciences et à l'espace, à la conservation et à la réhabilitation du patrimoine.
Dans cet esprit, le CNES aide financièrement le centre médico-chirurgical de Kourou, le CMCK, créé en 1966 pour répondre aux besoins du centre spatial guyanais. En décembre 2004, ce centre a été placé sous la responsabilité de la Croix rouge qui en devint l'unique exploitant, et à ce titre, propriétaire des installations et terrains d'implantation. Le CNES a néanmoins poursuivi son accompagnement en versant au CMCK une contribution annuelle de 500 000 euros pour ses investissements ; en 2017, ce soutien financier a été doublé de façon exceptionnelle pour aider l'établissement.
Face à la décision du Gouvernement de transformer ce centre médical en un établissement hospitalier public, le CNES a annoncé sa décision de ce désengager du nouvel actionnariat. Ce retrait est d'autant plus regrettable qu'il amputera considérablement son potentiel d'investissement et posera un défi de taille à la direction de l'hôpital pour équilibrer son budget.
De plus, ce désengagement fait écho à celui opéré quelques mois auparavant dans le capital de la société immobilière de Kourou (SIMKO), également créée en son temps pour répondre aux besoins du centre spatial guyanais.
Dans ce contexte, ces décisions, certes prises dans des contextes différents, interrogent la population et les élus sur la stratégie de l'État quant à la mission d'accompagnement du développement économique et social de la Guyane assurée par le CNES depuis des décennies.
Aussi, il lui demande de préciser quel rôle le Gouvernement entend donner au CNES en Guyane. S'agissant plus particulièrement de l'hôpital de Kourou, compte-tenu des enjeux en matière de santé publique, il lui demande s'il ne faudrait pas reconsidérer le désengagement du CNES du centre hospitalier de Kourou
(CHK).
M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis son installation en Guyane, le Centre national d'études spatiales, le CNES, a toujours participé au développement économique et social du territoire. C'est dans cet esprit qu'il a participé en 1966 à la création du Centre médico-chirurgical de Kourou, le CMCK, pour répondre aux besoins du Centre spatial guyanais, ou CSG, ainsi que de l'ensemble de la population.
Lorsque ce même CMCK a été placé en 2004 sous la responsabilité de la Croix-Rouge, le CNES a poursuivi son accompagnement en versant une contribution annuelle de 500 000 euros destinée aux investissements. Ce soutien financier précieux a été porté de manière exceptionnelle à 1 million d'euros en 2017 pour aider l'hôpital.
Cependant, face à la transformation récente du centre médical en établissement hospitalier public, le CNES a annoncé son désengagement du nouvel actionnariat. Cette décision largement contestée par le mouvement social qui a immobilisé l'établissement plus d'un mois en décembre dernier est d'autant plus regrettable qu'elle réduira fortement le potentiel d'investissement de l'établissement, la direction se retrouvant face à un véritable casse-tête pour équilibrer son budget.
Vous le savez, ce désengagement fait suite à celui qui a été opéré, quelques mois plus tôt, dans le capital de la Société immobilière de Kourou, la SIMKO, également créée en son temps pour répondre aux besoins en logements du Centre spatial guyanais.
Enfin, je rappelle qu'il avait été annoncé dans un rapport d'octobre 2017 sur les retombées financières du Centre spatial guyanais pour les collectivités territoriales que les contributions financières du CNES en Guyane devaient augmenter de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2018 et 2020.
Dans ce contexte, vous comprendrez que ces deux décisions, prises certes dans des contextes différents, suscitent des interrogations chez les Guyanais et les élus sur la stratégie de l'État concernant la mission d'accompagnement au développement économique et social remplie par le CNES depuis des décennies en Guyane.
Si un protocole d'accord a été signé au centre hospitalier de Kourou, personnels et élus restent particulièrement attachés à l'engagement du CNES.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais connaître précisément le rôle que le Gouvernement entend donner au CNES dans la société guyanaise. Compte tenu des enjeux en matière de santé publique pour l'ensemble de la population, le Gouvernement entend-il reconsidérer l'engagement du CNES au sein du centre hospitalier de Kourou ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Antoine Karam, vous l'avez rappelé, le Centre médico-chirurgical de Kourou, qui a en effet été créé par le CNES avec l'appui de la Croix-Rouge dans les premières années de la base spatiale, a bénéficié annuellement d'une contribution du centre spatial aux dépenses d'investissement pour 500 000 euros par an. Cette subvention a été portée à 1 million d'euros en 2016 et à 1,5 million d'euros en 2017 pour soutenir le fonctionnement de l'établissement, alors dans une situation économique structurellement déficitaire. Ses pertes, qui atteignaient plusieurs millions d'euros par an, étaient supportées par la Croix-Rouge.
Cette situation, qui n'était plus viable ni pour la Croix-Rouge, ni pour le CNES, ni pour nos concitoyens de Guyane et les employés du centre spatial, a conduit au rattachement du centre de Kourou au service public hospitalier de droit commun. Ce rattachement a été acté dans les accords de Guyane, et le CMCK, devenu CHK, est aujourd'hui un établissement public de santé qui s'inscrit dans la stratégie territoriale pilotée par l'agence régionale de santé. Ce rattachement au service public hospitalier a vocation à pérenniser cet établissement tout en permettant au CNES de recentrer ses actions au profit de la Guyane autour de ses domaines de compétences.
Le CNES, au travers du Centre spatial de Kourou, est un contributeur majeur de l'économie de la Guyane. Selon l'enquête récente de l'INSEE, le spatial contribue pour 15 % au PIB du territoire. Il emploie 1 700 salariés, dont 75 % sont recrutés sur le bassin d'emploi guyanais.
L'activité globale du centre crée 4 600 emplois, directs, indirects et induits, ce qui représente un sixième de l'emploi salarié privé en Guyane. L'activité du CSG produit 58 millions d'euros de recettes fiscales, dont 31 millions d'octroi de mer, soit 22 % de l'octroi de mer de la Guyane.
Au-delà de ces éléments directement liés à son activité spatiale, le CNES contribue au développement de la Guyane dans le cadre de conventions avec les acteurs locaux de l'État et les collectivités, pour un montant de 40 millions d'euros sur la période 2014-2020.
Le CNES finance ainsi pour 27 millions d'euros sur cette période une convention entre le CNES, l'État et la région, qui contribue au financement des programmes européens – le Fonds européen de développement régional, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, etc. – et à des projets de développement local.
Le CNES alloue chaque année 13 millions d'euros aux communes de Guyane pour soutenir des actions de développement décidées par les municipalités. À la suite des événements de mars et d'avril 2017, le CNES a augmenté sa contribution de 10 millions d'euros sur la période 2018-2020 dans le cadre du plan Phèdre II décidé par la ministre des outre-mer et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Ce programme est principalement consacré aux domaines de l'éducation, de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Dès la rentrée 2018, le CNES a triplé le nombre de bourses d'enseignement supérieur, lequel est passé de dix à trente chaque année, et contribué au développement des établissements supérieurs de Guyane. Il a ainsi permis l'extension de l'institut universitaire de technologie, la rénovation des infrastructures de l'université et le passage au numérique.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Pour conclure, il n'y a donc pas de désengagement du CNES en Guyane. Au contraire, le Centre accroît son soutien financier, qui passe de 40 millions d'euros à 50 millions d'euros.
M. le président. Madame la secrétaire d'État, on ne peut pas exagérément dépasser son temps de parole, même pour répondre à une question sur les outre-mer ! (Sourires.)
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