Mme Christine Bonfanti-Dossat appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur la suspension du financement de la formation des artisans. Depuis le 1er janvier 2018, la responsabilité de la collecte des contributions à la formation continue des artisans a été transférée de la direction générale des finances publiques vers les agences de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), comme disposé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Or, il semblerait que le manque de préparation de ce transfert ait des conséquences hautement préjudiciables sur le financement des formations pour les artisans. En effet, à compter du 15 mars 2019, le fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales annonce ne plus être en capacité de prendre en charge les formations, résultat des dysfonctionnements liés au transfert de la collecte. Ainsi, bien que les artisans continuent de payer leur cotisation, ils ne peuvent plus accéder à la formation. Cette situation est inacceptable. Aussi, elle l'interroge sur les mesures d'urgence qu'elle entend prendre afin de redonner leurs droits aux artisans.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, tous les matins, dans notre pays, les artisans sont plus de 3 millions à faire vivre notre économie : menuisiers, peintres, boulangers… Les secteurs d'activités sont divers, mais tous se réfèrent à une même étymologie : l'artisan, c'est celui qui met son art au service d'autrui. À l'heure où nos concitoyens se tournent vers le « fabriqué en » et s'éloignent des produits mondialisés « made in », nous avons grand besoin d'un tel savoir-faire.
Répartis sur 1,3 million d'entreprises, réalisant 300 milliards d'euros de chiffre d'affaires, les artisans constituent un pilier majeur de notre économie, mais sont, souvent, le seul employeur restant dans quelques-unes de nos communes. Dans le département de Lot-et-Garonne, 8 000 entreprises, soit 12 000 salariés, réalisent plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires.
Peut-on se passer d'eux ? À voir l'atteinte qui est portée à leurs droits à la formation, pardonnez-moi, madame la ministre, mais j'ai la faiblesse de le croire ! En effet, depuis le 15 mars dernier, les demandes de financement de formation professionnelle continue de nos artisans ne sont plus prises en compte. N'êtes-vous pourtant pas à l'initiative de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ?
La situation est néanmoins préoccupante, voire injuste : pourquoi nos artisans n'auraient-ils plus droit à la formation continue ? Dans un contexte concurrentiel fort, où les clients ont toujours plus d'exigences, à l'heure des transitions écologiques et numériques et d'un environnement normatif complexe, nos artisans doivent se former pour s'adapter aux défis toujours plus nombreux.
Alors que 700 000 emplois sont à pouvoir et que l'apprentissage constitue un véritable levier pour lutter contre le chômage, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que vous allez agir pour financer de nouveau la formation de nos artisans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, je partage avec vous cette conviction et je le dis tous les jours – pas seulement aujourd'hui ! – : l'artisanat, c'est le tissu économique de proximité qui irrigue tous nos territoires, c'est le savoir-faire à la française. C'est donc très important. Que ce soit les ordonnances Travail, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les actions que le Gouvernement mène pour développer la filière d'excellence qu'est l'apprentissage : tout concourt à conforter ces professionnels et à renforcer notre tissu d'artisans.
Vous avez souhaité appeler mon attention sur l'annonce récente du risque de suspension du financement des actions de formation des artisans par le Fafcea, le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale, à compter du 15 mars 2019. Cet organisme a fait part à mon ministère de difficultés dans le financement des formations des artisans en raison d'un changement du mode de collecte et d'une baisse importante du niveau de collecte.
La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, votée sous le précédent gouvernement, a prévu un transfert de la collecte des contributions des artisans de la DGFiP vers l'Urssaf ; il s'agit là d'une mesure de simplification tout à fait compréhensible, mais qui a révélé un problème de cotisations. Ces difficultés s'expliquent également par une diminution du nombre de cotisants recensés lors du transfert de la collecte des contributions des artisans.
Ces difficultés s'expliquent encore par le fait que de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois à la contribution à la formation professionnelle en tant que travailleur indépendant versée au Fafcea et à la contribution à la formation professionnelle en tant que salarié versée à leur opérateur de compétences, ont refusé de s'acquitter à l'automne 2018 de la contribution due en tant que travailleur indépendant, contestant la légalité de ce double assujettissement qui n'existe que pour les artisans.
Afin de garantir la continuité du financement par le Fafcea et les conseils de la formation des actions de formation des artisans pour l'année 2019, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées ces dernières semaines, et encore ces derniers jours, avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les dirigeants du Fafcea et les représentants de toute la filière.
Ces réunions ont abouti à la proposition d'un certain nombre de mesures d'ordre financier permettant de poursuivre la prise en charge des actions de formation des artisans, sur l'ensemble de l'année. Les versements de l'Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus hier, lundi 18 mars 2019, pour « sauver » la situation à court terme.
Par ailleurs, nous avons lancé une mission de l'Inspection générale des affaires sociales, portant sur le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les Fonds d'assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation, afin de trouver une solution durable.
J'ai demandé que le rapport de cette mission me soit remis à la fin du mois de juin prochain, afin de pouvoir inscrire les propositions qui seront retenues dans la durée, au plus tard au 1er janvier 2020. Nous avons le même objectif. Nous avons sauvé la situation à court terme ; maintenant, il faut la régler sur le long terme.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour répondre à Mme la ministre.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse encourageante. Soyez assurée que les 3 millions d'artisans veilleront à ce que la parole donnée soit respectée.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.