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Sylviane Noël
Question orale N° 834 au Ministère de la cohésion des


Financement par des intercommunalités de la rénovation d'un service hospitalier urgentiste

Question soumise le 13 juin 2019

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation délicate dans laquelle se retrouvent aujourd'hui Thonon Agglomération et les communautés de communes du Haut-Chablais et de la vallée d'Abondance et pays d'Évian.

Ces trois intercommunalités ont délibéré en février 2019 pour accorder une subvention d'un montant total cumulé de 1,25 million d'euros aux hôpitaux du Léman dans le cadre de la rénovation du services des urgences. Or, le préfet de la Haute-Savoie leur a demandé de retirer ces délibérations qu'il considère comme illégales car prises en dehors de leurs compétences statutaires.

Il semble important de rappeler que cette opération du service des urgences est distincte de l'opération de reconstruction partielle du site des hôpitaux du Léman, dont le bâtiment principal, qui date de 1966, a été frappé d'un avis défavorable de la commission de sécurité, opération qui bénéficie de financements de l'agence régionale de santé
(ARS).

Or, le projet visé par les délibérations de ces trois intercommunalités est celui de réhabiliter et de remettre aux normes l'accueil des urgences, situé dans un bâtiment distinct de celui-ci. Leur soutien financier est plus que légitime car ce service connaît une fréquentation quotidienne atteignant près du double de sa capacité d'accueil en raison de la raréfaction des médecins généralistes et de la hausse de la population de 3 % par an sur ce territoire.

Il s'agit d'une opération vitale pour laquelle l'établissement, comme l'État, ne possèdent pas de moyens propres suffisants car l'ARS ne dispose d'aucune enveloppe autre que celle de la réhabilitation du secteur des urgences stricto sensu.

Ces trois intercommunalités justifient l'octroi de cette subvention par leur compétence d'aménagement du territoire et de développement économique, les hôpitaux du Léman représentant un élément structurant majeur et un des premiers employeurs du Chablais.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'il existe de nombreux exemples et précédents au sein du département qui n'ont jamais posé de problème aux services de l'État, à commencer par celui de la communauté de communes Faucigny Glières qui possède toujours une compétence facultative d'appui à la construction du centre hospitalier Alpes-Léman, tout comme la communauté de communes d'Oyonnax dans l'Ain, qui a installé un dispositif d'imagerie radio-médicale (IRM) au centre hospitalier du Haut-Bugey.

Une politique à géométrie variable de la part des services de l'État en fonction des lieux et des contextes au sein d'un même département n'est pas acceptable. Si l'État n'est pas en mesure, à ce jour, de porter financièrement ce projet vital à bien des titres, les élus et les habitants du Chablais ne sauront comprendre qu'il les prive pour autant de l'amélioration de ce service public capital.

Aussi souhaiterait-elle connaître ses intentions pour remédier rapidement à cette situation et régler ainsi définitivement ce conflit entre le préfet de la Haute-Savoie et les présidents de ces intercommunalités.

Réponse émise le 3 juillet 2019

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation délicate dans laquelle se retrouvent Thonon Agglomération et les communautés de communes du Haut-Chablais et de la vallée d'Abondance en Haute-Savoie.

Ces trois intercommunalités ont délibéré pour accorder une subvention d'un montant total de 1,25 million d'euros aux hôpitaux du Léman, dans le cadre de la rénovation du service des urgences. Or le préfet de la Haute-Savoie leur a demandé de retirer ces délibérations qu'il considère comme illégales, au motif que leur objet ne s'inscrit pas dans le strict respect de leurs compétences statutaires.

Le projet visé par ces délibérations est de réhabiliter et de remettre aux normes l'accueil des urgences, aujourd'hui inadapté à sa fréquentation quotidienne, deux fois plus importante que sa capacité d'accueil en raison de la raréfaction des médecins généralistes et de la hausse de la population de près de 3 % sur ce territoire. Par ailleurs, cet établissement est le deuxième le plus fréquenté des Pays de Savoie, derrière celui de Chambéry.

Les trois intercommunalités fondent l'octroi de cette subvention sur leurs compétences d'aménagement et de développement économique, les hôpitaux du Léman étant un élément structurant majeur et l'un des premiers employeurs du Chablais.

Il existe, au sein de la Haute-Savoie, de nombreux précédents de ce type. Ainsi, la communauté de communes de Faucigny-Glières exerce toujours une compétence facultative d'appui à la construction du centre hospitalier Alpes-Léman. De même, dans l'Ain, la communauté de communes d'Oyonnax a financé à hauteur de 1 million d'euros une IRM en 2014.

Les élus ne sauraient accepter une politique à géométrie variable de la part des services de l'État en fonction des lieux et des contextes au sein d'un même département. Si l'État n'est pas en mesure, à ce jour, de porter financièrement ce projet vital à bien des égards, les élus et les citoyens ne sauraient comprendre qu'il les prive de l'amélioration de ce service public essentiel. Ce serait une double peine inacceptable.

Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ce litige.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.

Je crois savoir que l'Agence régionale de santé est largement mobilisée pour la rénovation de cet établissement hospitalier et les investissements qu'elle nécessite. Je ne connais pas cet hôpital, mais on me dit en effet qu'il est indispensable pour vos concitoyens.

Votre question porte précisément sur la capacité à agir des collectivités territoriales sur ce type d'investissements. Je vous apporterai plusieurs éléments de réponse.

Aujourd'hui, comme vous le savez, et c'est d'ailleurs vous, parlementaires, qui l'avez décidé, les collectivités ne peuvent agir que dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, à l'exception notable des communes, qui disposent d'une clause de compétence générale. Pour autant, nous l'avons vu avec le projet de loi relatif à Notre-Dame de Paris, la loi doit parfois les autoriser à procéder à certains investissements spécifiques.

Dans le cas que vous évoquez, l'intercommunalité pourrait participer à l'investissement par le biais de sa compétence en matière de développement économique. Toutefois, aux termes du code de la santé publique, il ne s'agit pas vraiment d'un investissement pour la permanence des soins, mais pour le service public administratif des urgences. La compétence « développement économique » d'une intercommunalité ne peut donc pas être sollicitée, ce qui ne constitue pas un cas de figure unique dans notre pays.

Sur ce point, j'ai demandé à la direction générale des collectivités locales d'expertiser un montage juridique qui ne serait pas baroque et, je le dis ici, qui ne serait pas non plus lâche. On pourrait en effet très bien donner instruction aux préfets de fermer les yeux sur le contrôle de légalité, mais, en agissant ainsi, on ne servirait pas l'intérêt général et on ne rendrait pas service à notre pays. Je préfère que l'on bâtisse des dispositifs respectueux des lois que vous avez votées.

Nous allons également ouvrir un deuxième chantier, dont j'ai récemment discuté avec Gérard Larcher, celui du projet de loi de décentralisation, qui sera présenté au Sénat en 2020. Dans ce cadre, nous nous interrogerons sur les moyens pour certaines collectivités territoriales d'être davantage associées aux questions sanitaires. La crise de la démographie médicale qui sévit aux quatre coins du pays nous impose sans doute une réflexion nouvelle, peut-être en interrogeant la capacité à agir des conseils départementaux en la matière – je le dis devant le ministre de l'agriculture, qui, comme moi, a été président de conseil départemental.

Soyez en tout cas assurée de notre disponibilité à avancer sur la question qui vous préoccupe, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le ministre.

Si les collectivités sont conduites à intervenir, c'est tout simplement parce que les ARS ne disposent pas de budget pour ce type de projets. J'espère que les instructions que vous avez données à la DGCL permettront une évolution positive.

De la même façon que le préfet peut agir en cas de carence d'un maire, on peut espérer que les élus pourront aussi, un jour, intervenir en cas de carence de l'État, car c'est bien de cela qu'il s'agit en l'occurrence.

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