Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les problèmes de constructibilité rencontrés dans les zones rurales à faible densité de population, qui constituent un frein à l'installation de nouveaux habitants et une difficulté supplémentaire pour les maires qui s'efforcent de développer et dynamiser leurs communes.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la ministre, je souhaite interroger le Gouvernement sur les difficultés récurrentes rencontrées par nos concitoyens qui souhaitent faire construire et s'installer en milieu rural, dans des secteurs le plus souvent à très faible densité de population.
En effet, trop souvent, ceux-ci se voient opposer un refus par les services de l'État, qui ne connaissent évidemment pas précisément le site concerné, alors même que celui-ci est en prise directe avec tous les réseaux de viabilisation et qu'il n'y a sur le site aucune pression foncière agricole, et au seul motif que la parcelle concernée n'appartiendrait pas – le terme est succulent – à un « compartiment urbanisable ».
Les élus locaux, qui ne ménagent pas leur peine pour dynamiser leur commune, ne comprennent pas ces refus récurrents totalement antinomiques avec le discours ambiant que vous portez à bon droit sur la cohésion des territoires, mais qui demande des traductions locales. Ces élus nous interpellent régulièrement. Il leur arrive en dernier recours de saisir personnellement le préfet, qui peut procéder au cas par cas à une application plus souple, voire plus intelligente de la loi et des règlements ; c'est heureusement le cas dans mon département.
Mais, vous en conviendrez, une telle situation n'est pas satisfaisante du point de vue tant du pragmatisme que de l'éthique. Madame la ministre, quelle est votre position sur cette question vitale pour l'avenir de nos territoires ruraux, que vous connaissez par ailleurs bien ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je connais effectivement bien le sujet que vous soulevez.
Nous le savons tous, il est possible de construire dans les zones rurales à faible densité de population, y compris dans celles qui sont dépourvues de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) ou de documents d'urbanisme, dans la partie déjà urbanisée d'une commune, conformément au règlement national d'urbanisme. Ce principe vise à inciter les collectivités à organiser la gestion de leur sol et à lutter contre l'urbanisation dispersée, en autorisant toutefois certaines exceptions, comme les constructions de logements, notamment pour le maintien de la population communale dès lors qu'une délibération motivée du conseil municipal est prise en ce sens.
Autrement, les territoires ruraux peuvent choisir de se doter d'un plan local d'urbanisme, communal ou intercommunal, pour définir une capacité de construction et d'ouverture à l'urbanisation supplémentaire, notamment au regard d'un diagnostic foncier de capacité de desserte en voirie et réseaux, mais aussi pour pouvoir construire sous certaines conditions, dans des zones agricoles ou naturelles, dans des secteurs de taille et de capacités d'accueil limitées.
Ainsi, sur la période 2006-2014, on a pu observer que dans les zones rurales, avec une augmentation de 3 % des ménages, la consommation des espaces a représenté 10 % de la consommation nationale, tandis qu'en zone urbaine, évidemment, l'augmentation des ménages est beaucoup plus importante et il y a 31 % des espaces au total. Je le reconnais, ces affirmations sont un peu biaisées.
Mais vous connaissez comme moi la préoccupation écologique qu'il y a à ne pas trop utiliser les sols. Le monde rural a à la fois la préoccupation de pouvoir développer l'urbanisation et l'habitat ainsi que la volonté de lutter contre l'usage d'une ressource non renouvelable qu'est le sol.
Je partage votre souci de réduire les inégalités territoriales et de maintenir l'attractivité du territoire. C'est en ce sens que j'ai, conjointement avec Didier Guillaume, installé une mission pour identifier et prioriser les mesures de soutien au développement des territoires ruraux en matière d'urbanisme dans le cadre de l'Agenda rural. La mission plaide ainsi pour un meilleur accompagnement des collectivités, notamment en faisant mieux connaître les possibilités existantes en matière de constructions prévues dans les documents d'urbanisme. D'ores et déjà, le club national et le club régional « PLUI » participent à ces travaux.
Tout comme vous, je crois à l'importance du rôle des préfets. Je pense notamment à ce que l'on appelle le droit à la dérogation – actuellement, il est expérimental –, qui permet souvent d'apporter de la souplesse dans l'application des dispositifs aux territoires. Nous allons le développer.
Nous devons donc trouver un équilibre entre la conservation des sols, et notamment le sol agricole, et la possibilité de développer l'urbanisation dans les zones rurales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la ministre, la fille d'agriculteurs que je suis ne méconnaît pas la nécessité de préserver des espaces agricoles. Mais je vous parle de territoires, par exemple en Limousin – je les connais bien –, où il n'y a aucune pression agricole et où la question est plutôt de trouver un repreneur lorsque quelqu'un s'en va pour que les terres ne restent pas en friche.
J'espère que la mission que vous avez engagée portera ses fruits. J'appelle votre attention sur la nécessité d'élargir le droit à l'appréciation locale des préfets. C'est très important.
Actuellement, nous voyons des PLUI en cours d'élaboration avec des services de l'État drastiques qui réduisent encore plus fortement les zones constructibles.
Vous indiquez qu'il est possible de construire dans les zones déjà urbanisées. Mais cela signifie qu'on peut construire une stabulation à droite ou à gauche de la route, mais pas une maison d'habitation. Il y a là de vrais problèmes à traiter sans remettre en cause la nécessaire maîtrise du foncier. Voilà une vingtaine d'années, il y a eu beaucoup trop de mitage, et nous en payons les conséquences dans tous les domaines.
La situation actuelle n'est pas tenable. J'espère donc que le travail que vous avez engagé portera ses fruits ; je vous remercie de me tenir informée à cet égard, madame la ministre.
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