M. Franck Menonville. « Il était à l'isolement depuis six mois. On n'a rien pu faire avec lui. Là-haut, nous sommes inquiets de le laisser sortir. » Tels sont, madame la garde des sceaux, les propos d'un surveillant pénitentiaire au sujet de Flavien Moreau, premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie, libéré avant-hier.
Condamné, en 2014, à sept ans d'emprisonnement pour terrorisme, cet homme a été libéré un peu moins d'un an avant la date prévue, malgré une détention parsemée d'incidents. Sa sortie de prison s'accompagne d'une double mesure de surveillance, judiciaire – d'une durée de onze mois et dix-huit jours – et administrative.
Son cas n'est pas isolé, puisqu'une quarantaine de djihadistes français ont retrouvé la liberté depuis 2018, et que plusieurs dizaines d'autres devraient être relâchés cette année.
Les solutions d'un tribunal international et du maintien des djihadistes français en détention à l'étranger posent question. En effet, le contexte géopolitique de la région et le délitement de certains États ne permettent plus de garantir que les terroristes y soient jugés et maintenus en détention.
Faute de solutions, le rapatriement de djihadistes français apparaît de plus en plus comme une hypothèse envisageable, comme vous l'avez récemment rappelé, madame la garde des sceaux.
Seulement, cette question du rapatriement des terroristes français et de leur libération soulève le problème de la récidive. Comment s'assurer de l'absence de dangerosité de ces individus une fois libérés ?
Madame la garde des sceaux, la lutte contre la radicalisation est un combat de longue haleine. Face à de tels criminels, notre arsenal juridique est insuffisant. Comment comptez-vous remédier à cette situation pour assurer la sécurité des Français ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Menonville, la lutte contre la radicalisation et le terrorisme islamiste est évidemment l'une des préoccupations majeures du ministère de la justice. Je considère que nous disposons des outils juridiques pour la mener efficacement.
Les djihadistes qui reviennent de zones de combat sont systématiquement judiciarisés, à leur retour sur le sol national, par le nouveau parquet national antiterroriste, que nous avons créé voilà quelques mois. Concrètement, cette judiciarisation se traduit par l'engagement de poursuites du chef d'association de malfaiteurs terroriste, passible de peines pouvant aller, en cas de crime, jusqu'à vingt ans d'emprisonnement, ce qui est évidemment lourd.
À ce jour, 224 « revenants » ont fait l'objet de poursuites. Au moment où je vous parle, les trois quarts d'entre eux sont en détention, dans des établissements pénitentiaires adaptés à la prise en charge de leur profil : ils sont soit à l'isolement, soit dans des quartiers spécifiques de prise en charge de la radicalisation.
À leur sortie, ils font l'objet d'un suivi par un juge spécialisé ; en particulier, ils sont soumis à des obligations de contrôle extrêmement strictes. Ils peuvent également être pris en charge par l'un des centres de jour que nous avons créés, dans différentes villes du pays.
Par ailleurs, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, prévoit des mesures administratives de suivi et de renseignement.
Ainsi, ces personnes font l'objet d'un double suivi, judiciaire et administratif, à leur sortie de détention. De ce fait, elles sont soumises à des mesures individuelles de contrôle et de surveillance : obligation de pointage, obligation de domiciliation fixe avec interdiction de quitter la commune, entre autres.
M. Flavien Moreau est soumis à cette double obligation, judiciaire et administrative.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous assure que nous sommes tout à fait vigilants sur la judiciarisation et la prise en charge de ces personnes à leur retour des terrains de combat. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
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