M. David Assouline. Monsieur le ministre, je vous interroge, comme je l'ai fait en mai dernier, sur les violences policières.
Vous les aviez alors niées, malgré les alertes et les faits largement documentés. Le Président de la République et vous-même semblez aujourd'hui les reconnaître, et c'est heureux.
Je suis convaincu que dénoncer de telles dérives, c'est rendre hommage aux milliers de policiers qui font leur travail difficile et dangereux avec maîtrise et qui nous protègent au sacrifice même de leur vie.
Je pense avec émotion à cet instant, et avec le Sénat tout entier, au policier victime de malfrats qui est mort avant-hier.
Dénoncer de telles dérives, c'est aussi rendre hommage à tous ceux qui, malgré les sollicitations incessantes depuis des années face au terrorisme et, depuis plus d'un an, dans le cadre des manifestations de protestation sociale, accomplissent leur mission avec sang-froid et dans le respect de nos principes républicains.
Pouvez-vous nous dire si vous pensez, au-delà de la déontologie nécessaire qu'il faut faire respecter, que votre nouvelle doctrine du maintien de l'ordre, qui avait sonné comme un permis de se lâcher, porte une part de responsabilité dans cette situation où la liberté de manifester est endommagée ?
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. David Assouline. Que comptez-vous faire pour que les enquêtes de l'IGPN (inspection générale de la police nationale) sur les centaines de cas dont elle a été saisie ne soient plus enterrées, et que des sanctions exemplaires soient prononcées en cas de manquement ?
Allez-vous continuer, seul en Europe, à mettre des LBD (lanceurs de balles de défense) et des grenades GLI-F4 qui contiennent du TNT (trinitrotoluène) entre les mains de ceux qui ont en face d'eux des manifestants très largement pacifiques (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), et non des soldats ennemis ou des terroristes ?
(Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je ne reprendrai pas les propos du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'intérieur sur la nécessaire exemplarité des policiers.
Permettez-moi simplement de rappeler le contexte, que manifestement, vous perdez de vue.
Vous ne pouvez pas ignorer, car le phénomène a commencé sous le quinquennat précédent, que nous avons affaire à des manifestations de plus en plus violentes. Souvenez-vous des manifestations contre la loi El Khomri.
Nous avons vécu avec les « gilets jaunes » et nous vivons actuellement avec les manifestations contre le projet de réforme des retraites, en raison de l'engagement de certaines mouvances ultra, des actions extrêmement violentes qui visent nos institutions et nos policiers, entraînant la dégradation de mobilier urbain et de commerces. (Protestations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) Dans ces conditions, policiers et gendarmes ne peuvent qu'intervenir.
Christophe Castaner et moi-même assumons totalement la doctrine que nous avons revue, afin de donner plus de mobilité et de réactivité à nos forces de l'ordre. Elle permet des interventions rapides qui sont nécessaires pour faire cesser les graves troubles à l'ordre public qui surviennent dans le cadre de ces manifestations.
Nous ne souhaitons pas que certains se donnent bonne conscience sur le dos de la police et de la gendarmerie nationales en occultant ces violences inacceptables qui – il faut le dire clairement – n'ont rien à voir avec la liberté d'expression et la liberté de manifester.
Je réfute les termes « violences policières » que vous employez et qui laissent à penser qu'il y aurait un système organisé. C'est une offense qui est faite à notre police et à notre gendarmerie.
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
En revanche, monsieur le sénateur, cela ne nous empêche pas de réfléchir à froid à notre doctrine. C'est ce que nous faisons dans le cadre de la mise en œuvre d'un schéma national du maintien de l'ordre public, où nous réussissons des experts de tous les pays, des magistrats ou des représentants d'organisations aussi importantes que la Ligue des droits de l'homme, Amnesty International ou Reporters sans frontières. Nous travaillons également avec les policiers.
Sachez qu'en Europe certaines polices envient la façon dont nous gérons le maintien de l'ordre public.
J'en profite pour rendre hommage de nouveau à l'ensemble de nos policiers et de nos gendarmes qui sont sur la voie publique, et je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre hommage à M. Franck Labois, tué le week-end dernier. Ce cas nous rappelle la dangerosité des métiers de policier et de gendarme.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.
M. David Assouline. Vous savez que la grande majorité des manifestants dont je parle, notamment les syndicalistes, sont pacifiques… (Protestations sur les mêmes travées.) J'observe que la droite le conteste.
Bien entendu, je condamne avec force les casseurs. Rendre hommage aux policiers, c'est condamner les dérives qui ont eu lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
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