M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, 30 % de la pêche française, 50 % des captures bretonnes et trois poissons sur quatre levés par les pêcheries des Hauts-de-France proviennent des eaux britanniques.
Madame la secrétaire d'État, ces chiffres sont connus et inquiètent, à deux jours du Brexit.
La rencontre de la semaine dernière entre le président de la région Bretagne et le commissaire en charge de ces sujets en est une preuve, tout comme les alertes des pêcheurs de toute la façade maritime de Dunkerque à Brest.
La pêche représente moins de 0,1 % du PIB du Royaume-Uni. Pourtant, le contrôle des eaux de pêche et leur ouverture furent l'un des points de crispation des discussions outre-Manche avant le référendum.
Le poids politique est donc sans commune mesure. Boris Johnson l'a bien compris. La pêche sera ainsi un axe phare des négociations houleuses du Brexit.
Les interrogations sont nombreuses, dans le Nord comme ailleurs. Elles portent sur l'accès aux eaux britanniques après décembre 2020, mais aussi sur la concurrence induite par la possible réorientation des flux de pêcheurs européens vers notre espace maritime.
Les États membres vont prochainement donner mandat à la Commission européenne pour négocier la relation future avec le Royaume-Uni. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous assurer que la filière pêche ne se retrouvera pas emprisonnée dans un statut de variable d'ajustement face à un accord économique plus complet ?
Pouvez-vous également nous éclairer sur les mesures relatives au secteur de la pêche que la France et l'Union européenne ont prévues pour faire face à une éventuelle absence d'accord, finalement toujours d'actualité ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les Britanniques quittent l'Union européenne dans deux jours, mais les pêcheurs, eux, ne quitteront pas les eaux britanniques. Comme vous l'avez rappelé, ils auront accès à ces eaux au moins jusqu'au 31 décembre 2020. Les Britanniques continueront d'appliquer pleinement les règles de la politique commune de la pêche jusqu'à cette date.
Toutefois, et vous l'avez très bien souligné, nous devons préparer l'avenir pour garantir, de Dunkerque à Brest, à l'ensemble de la filière – des transporteurs à la transformation – qu'elle pourra poursuivre son activité.
Que ce soit avec Michel Barnier ou, ce matin même, lors du conseil des ministres, autour du Président de la République, avec Jean-Yves Le Drian, ou encore, bien évidemment, avec Didier Guillaume, dans le cadre des négociations qu'il mène pour la filière, nous faisons de la pêche un enjeu central, un enjeu majeur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est même un enjeu de vigilance absolue : je le dis clairement, un volet sur la pêche doit figurer dans l'accord. Nous ne tolérerons aucune décision unilatérale.
La pêche est effectivement le secteur le plus touché, le plus visible, le plus emblématique et nous en faisons une ligne rouge absolue. Nous devons préserver l'accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques. Nous devons également nous assurer d'une clé de répartition avec des quotas pour protéger la ressource. Nous devons prévoir des modalités pluriannuelles de gestion des stocks et établir des conditions de concurrence équitables.
Cela vaut également pour les agriculteurs, car nous ne saurions tolérer que des produits ne respectant pas nos normes arrivent dans nos assiettes. De la convergence des normes dépendra notre ouverture commerciale.
Nous avons onze mois devant nous, comme nous le rappellent les Britanniques. Pour autant, nous ne signerons pas un mauvais accord sous la pression du calendrier. Nous donnerons toujours la primauté au fond, au contenu, à l'équilibre, à la loyauté.
Vous m'interrogez également sur ce que nous avons prévu pour faire face aux contingences. Les mesures étaient prises pour le cas où il n'y aurait pas eu d'accord le 31 janvier. Des fonds seront disponibles en cas de cessations d'activité. Ce n'est pas notre scénario et je préfère, dans les mois qui viennent, travailler avec vous pour que l'unité des Vingt-Sept soit absolue et que les acteurs locaux soient mobilisés à nos côtés. Dès la semaine prochaine, avec Sibeth Ndiaye, je serai en Normandie, à Port-en-Bessin, pour construire notre stratégie avec les pêcheurs. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants.)
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