M. Guillaume Arnell. Ma question s'adressait à M. le ministre de la culture et porte sur l'avenir de la presse écrite.
Samedi dernier, le quotidien France-Antilles a fait paraître sa dernière édition, après cinquante-six ans d'existence. Le tribunal de commerce de Fort-de-France a en effet prononcé la liquidation judiciaire du journal sans poursuite d'activité.
Je pense tout d'abord naturellement aux 235 salariés et aux familles impactées : 112 salariés en Martinique, 99 en Guadeloupe et 24 en Guyane, qui travaillaient dans les rédactions et s'inquiètent légitimement pour leur avenir. Toutes proportions gardées, à l'échelle nationale, c'est l'équivalent d'un millier de personnes licenciées dans la plus grande indifférence.
Fondé en 1964, France-Antilles était diffusé à environ 35 000 exemplaires en Martinique, 25 000 en Guadeloupe et possédait une déclinaison pour la Guyane sous le titre France-Guyane. Le journal servait également de lien avec leur territoire pour tous les Guadeloupéens et Martiniquais vivant à Saint-Martin.
La disparition du journal laisse donc ces trois territoires sans quotidien d'envergure, alors que le Président de la République, à l'occasion de ses vœux à la presse le 16 janvier dernier, s'était engagé à soutenir la presse d'outre-mer en difficulté.
Monsieur le secrétaire d'État, plusieurs questions me viennent à l'esprit. Premièrement, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale pourquoi l'aide à la presse hexagonale ne s'applique pas à la presse ultramarine ? Deuxièmement, ne pensez-vous pas qu'au regard des situations de plus en plus dégradées dans nos territoires les tribunaux devraient s'attarder plus longuement sur les possibilités de reprise ? France-Antilles a été liquidé en dix minutes chrono !
Enfin, puisqu'il semblerait que ces difficultés iront en s'amplifiant au regard de l'essor du numérique, comment comptez-vous garantir un avenir pour la presse écrite ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Jocelyne Guidez et Victoire Jasmin ainsi que M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Arnell, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Franck Riester. Vous évoquez la situation du groupe France-Antilles. Le Gouvernement a pris acte du jugement du tribunal de commerce de Fort-de-France, qui en a prononcé la liquidation.
Il faut mesurer, comme vous l'avez dit, l'ampleur de cette décision, d'abord pour les 235 salariés concernés. Cette annonce intervient alors que l'ensemble des ministères s'était mobilisé depuis plusieurs mois pour accompagner l'éditeur dans la recherche d'une solution permettant le maintien des trois publications. Le Gouvernement avait ainsi acté fin novembre une participation au financement du plan de reprise à hauteur de 3 millions d'euros pour soutenir la venue d'investisseurs privés. C'est un effort tout à fait exceptionnel qui avait été consenti.
L'État avait également autorisé, de façon extrêmement dérogatoire, la constitution de passifs publics afin de ménager le temps nécessaire pour consolider les plans de reprise. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 avait acté un accroissement des baisses de cotisations pour les organes de la presse quotidienne régionale outre-mer.
Cela n'a malheureusement pas suffi et, comme vous l'avez évoqué, les projets de reprise ont échoué.
Les services de l'État sont mobilisés, avec les partenaires, pour accompagner les salariés dans leur recherche d'emploi et de formation, en vue de leur reconversion professionnelle, de la création de nouvelles activités liées à la filière média ou de diversification.
Plus globalement, le ministère de la culture mobilisera ses dispositifs en fonction du type de projet présenté pour permettre l'émergence de nouveaux médias dans les Antilles. Les différentes aides à la presse, qu'il s'agisse d'aides au fonctionnement ou à l'investissement, générées par le ministère de la culture, sont ouvertes à l'ensemble des titres de presse. Il apparaît que, compte tenu du modèle d'affaires un peu particulier des types de presses dans les outre-mer, ceux-ci bénéficient un peu moins des aides à la presse que sur le territoire national.
Je veux ici vous annoncer que le ministère de la culture va dans les prochains mois modifier les conditions d'attribution de plusieurs aides pour les titres ultramarins, afin de rétablir une forme d'équité de traitement. Les services du ministère de la culture accompagneront étroitement tous les projets de presse qui naîtront sur ces territoires, afin d'y restaurer un vrai pluralisme de l'information. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
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