Mme Éliane Assassi. On va enfin parler de choses sérieuses…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
La directrice générale de Renault a indiqué, vendredi, n'avoir « aucun tabou » sur des fermetures de sites en France ; cette déclaration suscite un légitime émoi dans le pays.
Des difficultés chez Renault, il y en a, certes, mais le groupe a cumulé 10 milliards d'euros de bénéfices au cours des quatre dernières années, et a versé le tiers de ceux-ci en dividendes aux actionnaires. Pour 2019, ce sont encore 312 millions d'euros de dividendes qui seront versés. On peut s'interroger sur la pertinence de ces choix.
Si la chute du marché automobile en Europe est réelle, celle-ci affecte Renault plus que d'autres constructeurs. Pourquoi ?
En premier lieu, le groupe n'a pas investi suffisamment pour présenter de nouvelles gammes et, surtout, pour engager autant qu'il est nécessaire la transition technologique et écologique indispensable. Or c'est désormais l'urgence absolue ; il faut produire, comme le demandent les organisations syndicales, des véhicules multiénergies, hybrides ou électriques.
En second lieu, la direction de Renault a fait des choix défavorables à la France, avec une baisse, depuis 2004, de 43 % de la fabrication française dans le groupe Renault et des délocalisations hors de l'Hexagone, notamment pour les productions les plus attractives, celles qui se vendent le mieux.
Manifestement, l'État actionnaire a été défaillant ; en tout cas, il doit désormais veiller à ce que ce mouvement soit inversé et que des investissements de modernisation soient réalisés dans tous les sites français, que l'on regagne ainsi des capacités de production. Le préalable est de refuser la fermeture de sites pour engager leur mutation et la reconquête de l'emploi.
Madame la secrétaire d'État, M. Le Maire a déclaré qu'il serait « vigilant ». Pour ma part, je lui demande : comment sera-t-il efficace…
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … pour garantir le maintien des sites et de l'emploi, réorienter la stratégie industrielle et consolider la souveraineté économique du pays ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Vous avez raison, madame la sénatrice Lienemann, Renault est confronté à des résultats en forte baisse, qui sont négatifs cette année. Ils sont emblématiques des défis que traverse aujourd'hui la filière automobile.
Ces défis, je veux les rappeler parce qu'ils sont importants.
Il y a trois défis structurels.
Le premier, c'est la transition énergétique. Sachez-le, Renault a massivement investi dans cette direction, notamment en faveur du moteur électrique.
Le deuxième, c'est celui du véhicule connecté, qui conduira à la proposition d'autres services et, peut-être, à l'entrée de nouveaux acteurs sur ce marché, qui viendront concurrencer les acteurs historiques.
Le troisième, c'est celui du véhicule autonome.
Ces trois défis imposent des investissements massifs ; c'est ce que vous constatez dans les comptes de Renault. Ces investissements consomment l'argent gagné et même au-delà (M. Pierre Laurent s'exclame.), puisque l'on observe une trajectoire de cash négative.
Le contexte conjoncturel ne facilite pas les choses : ralentissement aux États-Unis et en Europe, baisse en Chine. Or c'est dans ce contexte que le Gouvernement accompagne la filière automobile.
Je veux rappeler les décisions qui ont été prises : la signature du contrat stratégique de filière en mai 2018 et la réunion organisée, dès le 2 décembre dernier, pour préparer l'année 2020. Cette réunion a débouché sur deux mesures importantes : l'accompagnement de la diversification de la sous-traitance – un crédit de 50 millions d'euros destiné à cette diversification et au soutien de l'année 2020 et une aide, à hauteur de plus de 200 millions d'euros, pour faire face aux difficultés possibles de financement de l'automobile et de sa sous-traitance – et la mission que nous avons confiée à Hervé Guyot sur la compétitivité de l'automobile en France et la consolidation de certaines filières, notamment la fonderie et la forge.
Je conclus : oui, nous serons très vigilants aux côtés de Renault, et nous avons déjà les instruments nécessaires pour accompagner ces transitions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
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