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Marie-Pierre de La Gontrie
Question d'actualité au gouvernement N° 1175 au Premier Ministre


Pilotage de la politique de santé du Gouvernement

Question soumise le 20 février 2020

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, il y a cinq jours, le parti La République En Marche a connu un crash politique anéantissant son dispositif électoral à Paris. Avec le Président de la République, vous avez alors désigné, en quarante-huit heures, la ministre des solidarités et de la santé comme candidate de substitution improvisée. Curieuse décision : en plein chaos de la réforme des retraites, de crise sans fin de l'hôpital public et de risque de pandémie du coronavirus, vous décidez de changer de ministre…

Votre gouvernement ne cesse de nous surprendre par sa légèreté, parfois par sa vulgarité, à l'instar de celle que votre ministre de l'intérieur a manifestée, ce matin, à l'égard de notre collègue Olivier Faure. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Laurence Cohen applaudit également.) Nous attendons, sur ce point, votre condamnation solennelle.

Naufrage de la réforme des retraites, grève de onze mois du personnel hospitalier, démissions collectives par centaines de chefs de service, report du plan Grand âge, fermetures de maternités : le bilan de Mme Buzyn, qui prétendait vouloir « réenchanter l'hôpital », ressemble aujourd'hui à un champ de ruines…

Aussi, monsieur le Premier ministre, de deux choses, l'une : soit, sourd et aveugle, et à l'encontre de toute réalité, vous prétendez, comme vous l'indiquiez hier, que Mme Buzyn fut une excellente ministre, auquel cas son départ est la marque d'une désinvolture qui frise, pour certains, le mépris à l'égard des politiques publiques, soit vous partagez, en réalité, le constat des Français et vous avez saisi cette occasion pour acter son départ du Gouvernement, le dix-septième ou dix-huitième depuis 2017.

Monsieur le Premier ministre, la France mérite que vous privilégiiez l'intérêt général plutôt que l'intérêt partisan ; nos concitoyens attendent donc votre réponse.
(Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mmes Laurence Cohen et Christine Prunaud applaudissent également.)

Réponse émise le 20 février 2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur diverses travées.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, formulée sur un ton très ferme, qui indique peut-être votre incompréhension de la décision que j'ai proposée au Président de la République et qui, peut-être – je dis bien « peut-être » –, indique aussi une forme de surprise et – qui sait ? – de fébrilité par rapport à cette décision.
(Sourires. – Protestations sur des travées du groupe SOCR.)

M. David Assouline. On verra bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les élections sont jouées d'avance et je peux même vous dire, madame la sénatrice – cela vous est peut-être également arrivé –, que, en cette matière, j'ai cotisé pour voir, voyez-vous…
(Nouveaux sourires.)

Je veux répondre à votre question de la façon la plus simple possible. J'ai effectivement dit, et je répéterai toujours, qu'Agnès Buzyn a été une remarquable ministre de la santé.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Mme Laurence Cohen. Oh !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais j'ai le droit de vous donner mon avis ! Elle a été remarquable par sa connaissance des dossiers, par sa technicité,…

Mme Cécile Cukierman. Pourquoi n'est-elle pas restée ministre, alors ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … par son humanité – oui, madame la sénatrice, par son humanité ! –, remarquable aussi par la façon dont, vous le savez parfaitement, elle a eu à gérer des dossiers redoutablement complexes,…

M. David Assouline. Quelle fébrilité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … dossiers dont vous m'accorderez, madame la sénatrice, qu'ils ne sont pas nés avec sa désignation, et qu'ils venaient souvent de loin. Les difficultés du système médical, du monde hospitalier, ne sont pas nées il y a deux ans. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC et du RDSE.) Il faut y répondre, chacun essaie de faire de son mieux et je veux dire combien Mme la ministre Agnès Buzyn a été, en la matière, engagée, compétente et remarquable.

Elle a choisi de s'engager dans un combat politique. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR. – Mme Cécile Cukierman se récrie.) Elle a eu raison ! Je suis d'ailleurs surpris, madame la sénatrice, qu'un certain nombre de ceux, parfois dans cet hémicycle, souvent à l'extérieur, qui reprochaient à tel ou tel membre du Gouvernement une prétendue « déconnexion » par rapport au monde réel, puissent aujourd'hui s'étonner de ce qu'une ministre choisisse de défendre ses idées et son projet dans le cadre d'une élection municipale.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur des travées du groupe SOCR. – Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je constate d'ailleurs que les sénateurs parisiens paraissent virulents ; cela me surprend – vous allez voir, tout va bien se passer…
(Sourires.)

Pour la remplacer, madame la sénatrice, j'ai proposé au Président de la République de nommer M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé. Vous le connaissez, c'est un député compétent, qui a la triple caractéristique, qui ne me semble pas inutile en la matière, d'être médecin hospitalier, rapporteur général de la commission des affaires sociales et, par ailleurs, bon spécialiste du dossier des retraites, puisqu'il était rapporteur du projet de loi organique relatif au système universel de retraite.
(Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Un sénateur Les Républicains. Et ancien député socialiste !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Autrement dit, madame la sénatrice, il me paraît avoir toutes les compétences dont nous avons besoin pour faire face aux dossiers que vous avez cités ; ce sont des dossiers importants, délicats, dont il est déjà un excellent connaisseur et sur lesquels vous aurez, j'en suis sûr, l'occasion de voir – et vous n'en serez pas surprise –, qu'il est parfaitement compétent et efficace.

Bref, il y a des élections municipales (Mme Cécile Cukierman se récrie.), et c'est tant mieux. Le débat va avoir lieu au cours de ces élections ; les électeurs le trancheront et c'est très bien ainsi.
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et UC. – Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

M. David Assouline. Eh oui !

M. le président. Madame Cukierman, s'il vous plaît !

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le Premier ministre, tout d'abord, je regrette que vous n'ayez pas cru devoir condamner les propos inacceptables que Christophe Castaner a tenus, ce matin, à la radio ; dont acte.

Sur les propos que vous avez tenus à l'instant, j'indique, puisque vous louez le talent de Mme Buzyn, que c'est bien elle qui a accepté les nouvelles exonérations de cotisations de sécurité sociale consenties par le Gouvernement et qui ont aggravé le déficit de la sécurité sociale.

Vous vantez les qualités de votre nouveau ministre. J'indiquerai simplement que, dans la mesure où il a été capable, en deux jours, d'une part, de vanter la qualité de la fermeture des réseaux sociaux chinois…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Fébrilité…

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … visant à éviter la propagation du coronavirus, et, d'autre part, de proposer que l'on supprime, dans la Constitution, les termes « sécurité sociale »,…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Fébrilité !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … je crains qu'il ne doive davantage sa nomination à la nécessité de remplacer une ministre au pied levé, en quelques heures, plutôt qu'à sa seule compétence, dont nous jugerons dans les jours à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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