M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.
M. Loïc Hervé. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, pour que la crise sanitaire ne nous fasse pas passer d'une société de la bienveillance à une société de la surveillance, pour que le recours au numérique dans la sortie de crise soit efficace, il faut créer de la confiance avec les Français.
Pour atteindre cet objectif, la mise en place d'une application, sur mobile, de traçage des contacts sociaux ne peut donc se faire dans notre pays que sur la base de trois éléments cumulatifs.
Premièrement, la préservation des libertés. En prononçant les mots « volontariat » et « anonymisation », le Président de la République a donc confirmé que cette solution se ferait dans le cadre du respect aussi bien du droit national que du droit européen, notamment du RGPD
(règlement général européen sur la protection des données).
Deuxièmement, la recherche de l'universalité. Pour être efficace, cette application ne doit pas concerner uniquement les personnes familières des nouvelles technologies. Il faudra non seulement faire preuve de pédagogie pour rassurer nos concitoyens et les inciter à utiliser cet outil, mais aussi se préoccuper dès maintenant des moyens humains qui devront accompagner le déploiement de ce dernier.
En Corée, pas moins de 20 000 personnes ont mené ce travail. Se reposer uniquement sur le numérique n'aurait pas de sens, notamment parce qu'il faudra aussi alerter des personnes qui n'auront pas recours à cette application ou qui ne pourront y avoir recours.
Troisièmement, la protection de notre souveraineté. Il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette crise du Covid-19, mais nous disposons, par exemple avec nos amis allemands et suisses, de toutes les compétences pour que la solution informatique soit française et européenne.
Sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que l'intégralité de l'infrastructure informatique sera sous notre propre contrôle – l'application elle-même, l'hébergement des données ou le capital des entreprises chargées de sa réalisation ? En d'autres termes, sommes-nous capables et avons-nous la volonté de résister aux assauts des géants du numérique pour offrir aux citoyens français une réponse nationale dans laquelle ils pourront avoir vraiment confiance ?
(Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Hervé, je vous remercie de votre question qui me permet de rappeler que, comme le Président de la République s'y est engagé et comme cela a été précisé ce matin, le Gouvernement aura l'occasion de débattre de cette question avec les deux chambres du Parlement les 28 et 29 avril prochains, avant le déploiement de l'application que vous évoquez. Bien évidemment, je me tiens, d'ici là, à la disposition de l'ensemble des groupes parlementaires pour répondre à toutes les questions.
Sachez que le Gouvernement assume pleinement le fait d'étudier toutes les options sanitaires, techniques, technologiques, organisationnelles qui pourront aider au déconfinement et potentiellement éviter que l'épidémie ne reparte, avec toutes les conséquences terribles que cela pourrait entraîner.
Nous posons deux conditions au déploiement de solutions technologiques. Je crois que nous avons été extrêmement clairs sur ce sujet. La première est que les solutions éventuellement déployées respectent l'ensemble non seulement de nos lois et règlements, mais également de nos valeurs en termes de libertés publiques et de protection de la vie privée. C'est une condition indispensable pour être en accord avec nous-mêmes et pour faciliter l'acceptation d'une telle solution, si tant est qu'elle s'avère utile dans le cadre du combat contre l'épidémie.
En ce qui concerne la seconde condition, il s'agit de faire en sorte, le cas échéant, qu'un maximum de Français puisse profiter de cette solution, y compris ceux qui sont touchés par la fracture numérique, pour ne pas ajouter une fracture technico-sanitaire à d'autres fractures sociales.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, le projet est piloté par Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), en lien avec nos partenaires allemands et suisses notamment. Des industriels viennent également nous aider, gratuitement et sur la base du volontariat, car il s'agit d'une solution techniquement compliquée.
Les deux grands géants américains du numérique que vous évoquez ont également fait des déclarations sur ce sujet. Je me réjouis qu'ils s'intéressent à cette question et se montrent désireux d'aider les gouvernements. Toutefois, il me semble absolument essentiel que les conditions de développement d'une telle application d'intérêt général et sanitaire, laquelle revêt un caractère quasiment souverain, ne relèvent justement que de la seule décision des États souverains.
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