M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, le 13 avril dernier, le Président de la République annonçait un déconfinement et une réouverture progressive des écoles le 11 mai.
Cette annonce a suscité de l'espoir. Il restait quatre semaines pour construire et réussir ce plan de déconfinement.
Cependant, à quelques jours de cette date, ce sont plutôt incertitude et colère, parfois bien légitime, qui s'expriment dans notre pays.
Monsieur le Premier ministre, les élus locaux sont tous volontaires pour faire vivre le service public dans leur territoire, service public garant de l'égalité républicaine. Mais ils ne sont pas volontaires pour assumer les responsabilités qui ne sont pas les leurs et pour lesquelles ils ne disposent pas de moyens.
Ils refusent ainsi d'être demain les coupables, celles et ceux qui, inévitablement, seront pointés du doigt parce que votre décision de rouvrir les écoles le 11 mai les invite inévitablement à rouvrir les cantines, les transports scolaires et, dans quelques semaines, les internats. Ils seront ainsi pointés du doigt parce qu'ils seront responsables de la propagation du virus dans leur territoire.
Monsieur le Premier ministre, un protocole sanitaire a été présenté lundi. Vous l'avez lu, nous l'avons lu. Ce protocole sanitaire est souvent contradictoire, mais, surtout, il est inapplicable dans la plupart des écoles de notre République.
En période de crise, l'heure n'est pas à faire comme l'on veut ; l'heure est à assurer partout l'égalité républicaine.
Monsieur le Premier ministre, qu'entendez-vous faire d'ici au 11 mai pour assumer vos responsabilités et donner les moyens aux élus locaux de les appliquer ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Cukierman, vous évoquez d'une certaine manière le désengagement de l'État, qui renverrait la responsabilité, notamment celle de la réouverture des écoles, sur les maires.
Vous dites en même temps que, dès lundi dernier, mon collègue Jean-Michel Blanquer a diffusé un texte qui pose le cadre sanitaire et le cadre d'accueil des élèves à partir des recommandations du conseil scientifique.
Ce texte a fait l'objet d'une très large concertation avec l'ensemble des associations d'élus. Ce protocole sanitaire fixe donc un cadre précis : les écoles n'ouvriront pas si elles ne sont pas en mesure d'assurer suffisamment de sécurité.
Mais l'État ne se désengage pas : il a été clairement précisé qu'il fait confiance aux acteurs qui sont les plus proches du terrain et qu'il accompagnera les communes.
Vous demandez en quelque sorte qu'il soit dès lors possible d'inscrire dans un texte de loi une atténuation de la responsabilité pénale des maires en raison des responsabilités singulières qu'ils auraient à prendre durant cette période.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer devant vous et M. le Premier ministre vient de le redire : en l'état actuel du droit, la responsabilité pénale des décideurs, quels qu'ils soient d'ailleurs, qu'il s'agisse des maires, des employeurs publics et privés, cette responsabilité pénale peut difficilement être engagée ou, à tout le moins, retenue puisqu'il faut soit une faute délibérée, soit une faute caractérisée.
C'est la raison pour laquelle il me semble difficile, sauf à préciser la loi, ce à quoi je me suis montrée ouverte et ce à quoi travaillent actuellement, je crois, vos collègues de l'Assemblée nationale, d'aller très au-delà.
D'ailleurs, je me permets de faire remarquer ceci : si nous décidions quelque chose pour les élus locaux, en raison du principe d'égalité devant la loi pénale, c'est aussi pour l'ensemble des décideurs qu'il faudrait le faire, à savoir les élus locaux, les décideurs publics, mais aussi les chefs d'entreprise et les décideurs privés.
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. C'est ce que nous avons fait !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mais d'une manière différenciée.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Madame la garde des sceaux, je ne dis jamais « en même temps » ; vous avez donc certainement interprété mes propos.
La question n'est pas là. Vous me parlez de droit pénal, je vous parle de ce qui s'exprime aujourd'hui parmi l'ensemble des élus locaux de notre pays.
Vous voulez assimiler l'ensemble des décideurs locaux. Eh bien, oui, assimilons-les jusqu'au bout ! Mais, en tout état de cause, à partir du 11 mai, ce sont eux qui auront la responsabilité d'expliquer aux populations pourquoi les écoles sont ouvertes ou fermées et non vous.
(Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Max Brisson. Très bien !
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.