M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, si l'heure du déconfinement a sonné pour une grande partie de la population active, l'activité du personnel judiciaire ou pénitentiaire ne s'est quant à elle jamais véritablement arrêtée en vertu de la nécessaire continuité de la justice.
De la même façon que le personnel soignant, les éboueurs ou encore les caissières, chaleureusement applaudis tous les soirs pour avoir maintenu leur activité au service de la société, les avocats ont continué à défendre le justiciable dans le cadre des comparutions immédiates, et souvent malgré le manque de masques et de matériel sanitaire dans les lieux de rétention de liberté.
Pourtant – vous le savez, madame la garde des sceaux – près de 40 % des avocats sont susceptibles de quitter leur profession dans les prochaines semaines en raison des graves difficultés de trésorerie occasionnées par leur suspension d'activité.
Je veux aussi évoquer la situation des magistrats, qui ont été un maillon important de cette continuité judiciaire. Dans une note du 5 mai, vous avez entièrement laissé aux chefs de juridiction territoriale la responsabilité de décider des mesures de sécurité à respecter, sans pour autant les doter des moyens matériels suffisants.
Je souhaite enfin aborder la situation des prisons, en soulignant l'engagement et le professionnalisme de toute l'administration pénitentiaire, notamment des surveillants qui ont dû exercer leur mission dans un contexte sanitaire d'autant plus contraignant.
La libération au cours des deux derniers mois de plus de 10 000 détenus, parfois remis en liberté conditionnelle sans avoir pu bénéficier d'une audience dans les délais, pour des raisons liées au Covid-19, suscite des interrogations sur la bonne exécution des peines.
Mes questions sont simples, madame la garde des sceaux : avez-vous des solutions solides de soutien à destination des avocats ? Allez-vous enfin imposer le port du masque aux personnels judiciaires et aux justiciables sur l'ensemble du territoire ? Allez-vous organiser un test systématique et massif pour les agents de la pénitentiaire ? Enfin, était-il raisonnable de procéder à la libération d'un tel volume de personnes incarcérées sans garanties solides de réinsertion ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Lefèvre, je vais m'efforcer de répondre aux quatre questions que vous me posez.
Vous avez raison de souligner que les juridictions n'ont jamais vraiment arrêté de fonctionner, même si l'ouverture des tribunaux aux justiciables n'était pas possible pendant la période du confinement.
Je me suis rendue hier au tribunal de Versailles, où plus de 70 % des personnels étaient présents pour la reprise d'activité. Nous avons doté les juridictions de masques pour cette reprise d'activité, et dans la circulaire à laquelle vous faites allusion, nous avons clairement écrit que le masque était recommandé et que, bien entendu, il était obligatoire lorsque la distanciation physique ne pouvait pas être établie. Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que nous avons porté une très grande attention aussi bien aux magistrats qu'aux greffiers.
Vous avez également évoqué la situation des avocats, monsieur le sénateur. Je rappelle que, grâce à l'aide du Gouvernement et dans un dialogue très régulier avec les représentants des avocats, j'ai pu étendre les dispositifs généraux que nous avons mis en place pendant le confinement, notamment le chômage partiel et le fonds de solidarité, afin d'en faire bénéficier les avocats. J'ai également doté les avocats d'une aide particulière du ministère de la justice, à savoir une avance d'un montant de 50 millions d'euros sur l'aide juridictionnelle à venir, puisque cette activité était réduite pendant le confinement.
Par ailleurs, nous avons suivi les recommandations du Conseil d'État en matière de port du masque. Les avocats ont ainsi accès à nos propres fournisseurs.
Enfin, vous évoquez la question des établissements pénitentiaires. Depuis le 28 mars, l'ensemble des surveillants pénitentiaires qui sont en contact étroit et rapproché avec les détenus sont dotés de masques. Au moment où je vous parle, tous les surveillants pénitentiaires sont dotés de masques de manière tout à fait régulière.
En outre, nous allons également doter de masques les détenus dans certaines situations – je pense notamment aux parloirs et aux rendez-vous avec les conseillers d'insertion et de probation.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Soyez donc assuré que la sécurité est un souci constant.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie pour ces réponses, madame la garde des sceaux. Il me semble toutefois que la situation n'est pas aussi idyllique que vous semblez l'indiquer. Nous le souhaitons pourtant !
Permettez-moi d'insister sur l'importance des tests pour les agents pénitentiaires. Le masque, c'est bien, mais les tests sont essentiels.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C'est prévu !
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