M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
C'est un parlementaire quelque peu décontenancé qui vous interroge, monsieur le ministre, à propos de la reconnaissance des élus locaux sans étiquette. Ces derniers représentent, excusez du peu, près de 85 % des élus locaux dans le département du Nord.
Il y a quelques années, j'avais plaidé avec Alex Türk, mon prédécesseur, ainsi qu'avec la fédération des élus non inscrits du Nord, en faveur de l'instauration officielle de la qualité d'élu « sans étiquette ». C'était en 2003 !
En 2010, le Conseil d'État avait rejeté le recours formulé contre l'impossibilité pour les élus d'être reconnus et classés « sans étiquette ».
Ce combat ancien, nous pensions le partager avec vous, monsieur le ministre. Lorsque mon collègue Dany Wattebled vous a interrogé sur votre volonté d'intégrer cette rubrique dans les documents des élections municipales de 2020, vous sembliez ouvert à la discussion – « à notre écoute », pour reprendre l'expression que vous aviez utilisée !
Votre circulaire tant décriée du 10 décembre 2019 apportait un début de réponse, en supprimant le nuancement politique pour les candidats dans les communes de moins de 9 000 habitants.
La circulaire a été suspendue par le Conseil d'État. Celle du 3 février a rabaissé le seuil aux communes de moins de 3 500 habitants, hors chefs-lieux de canton. Nous n'avons pas crié victoire, mais nous pensions que le concept d'élu « sans étiquette » était acquis.
Or, depuis quelques jours, j'ai un horrible doute. Certains maires m'ont fait part de leurs déceptions et de leurs interrogations en remplissant le document de déclaration des résultats. Dans celui-ci, leur étiquette politique leur est demandée, y compris dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Ma question est donc claire : votre circulaire du 3 février 2020 s'adresse-t-elle aux déclarations de candidature et aux documents de résultats des élections ou s'adresse-t-elle uniquement aux seules déclarations de candidature ? Il semble que les interprétations soient différentes selon les endroits.
Plus clairement, dans les communes de moins de 3 500 habitants, hors chefs-lieux d'arrondissement, les élus qui le souhaitent peuvent-ils choisir de ne pas avoir de nuance politique ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous l'aviez bien compris, l'objet de la circulaire que j'ai signée était d'éviter que les préfets seuls ne décident du nuançage politique dans les communes de plus de 9 000 habitants (M. Philippe Dallier ironise.), c'est-à-dire dans un très grand nombre de communes.
En effet, la réalité, à laquelle j'ai été confrontée pendant les dix-sept ans où j'ai été maire d'une commune de 5 000 habitants, c'est que l'on peut avoir une étiquette politique personnelle, mais pas dans sa fonction, ni même dans le cadre de la liste que l'on conduit.
Le débat a eu lieu, il a été très médiatisé et très repris. J'ai essuyé quelques reproches…
M. Philippe Dallier. Justifiés !
M. Christophe Castaner, ministre. … et j'ai donc j'ai abaissé le seuil à 3 500 habitants, conformément à la décision du Conseil d'État.
Vous l'avez rappelé, il existe une différence entre l'étiquette politique, qui est déclarative, et le nuançage, qui relève depuis longtemps de l'appréciation des préfets. Effectivement, un certain nombre d'élus ne se retrouvent pas forcément derrière une étiquette politique. On les invite donc à en déclarer une. Ils peuvent effectivement ne pas y parvenir, mais les préfets – c'est l'usage, et je ne voudrais pas rouvrir ce débat – doivent nuancer.
La règle qui s'appliquera dans les jours qui viennent est la même que celle qui a été retenue en 2014 et dans les années précédentes.
Depuis 2014, les 37 165 maires qui ont été en fonctions, y compris en raison d'une démission, d'un décès ou d'un remplacement, ont fait l'objet de cette nuance par les préfets, et 26 689, soit 72 % d'entre eux, ont été classés « divers ».
Certes, il ne s'agit pas de l'appellation « sans étiquette », mais il me semble que vous vous retrouverez dans cette appellation « divers », qui ne permet pas d'identifier politiquement un candidat selon le schéma que nous connaissons au sein de la représentation nationale ou dans les partis politiques, mais qui correspond à l'expression des maires ne voulant pas se reconnaître dans telle ou telle étiquette politique.
L'instruction que je donne au moment où je vous réponds et que je confirmerai si c'est nécessaire est la suivante : les préfets doivent être à l'écoute des maires désignés par le conseil municipal ; la qualification « divers » relève de leur appréciation, et nous devons l'entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
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